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LA
PROVINCE CHINOISE
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FBEHIËRE PARTIE
LA
PROVINCE CHINOISE
DU
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LA
PROVINCE CHINOISE
DU
YÛN-NAN
PAR
EMILE |iOCHER
UP. L'ADMINISTRATION DES DOUANES IHFÉBIALES DE OHINB
PREMIÈRE PARTIE
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ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
E LA aOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE L'Ecole des LAN<iDEM ImlENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
1870
Tous droit* réservé»
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188802
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M. ROBERT HART
INSPECTEUR GENERAL DES DOUANES IMPÉKULES DE CHINE
f f
QUI A GENEREUSEMENT POURVU
AUX FRAIS DE PUBLICATION DE CET OUVRAGE
HOMMAGE DE RESPECT ET DE RECONNAISSANCE
L'AUTBUB.
à
PRÉFACE .
Le coi/a(je dont ces notes contieiment le récit fut décidé en juin 186dj au retour de l'excursion que 31. DupuiSj Texplorcdeur du fleure Rouge ^ r>enait de faire dans le YihMian à la requête des autorités de cette province. Aux prises depuis des amiées avec la formidahle rébellion musulmane qui menaçait d anéan- tir T autorité chinoise^ le vice-roi et le gouverneur de la province résolurent^ afin de réduire leurs adversaires^ de faire venir d^Europe un matériel de guerre complet.
Amener des pièces cPartillerie dans une province ou la seule voie de communication facile et courte — le fleuve Rouge — était interceptée par les rebelles^ n^était pas une faible entreprise. La route du Ssu- cil u an par le Yang-tzu restait^ il est vrai^ ouverte ^ mais il y avait à la prendre de graves objections : la longueur du trajet et la difficulté de transport. Il ne faut pa^s moins en effet de soixante-dix à soixante-
Vni PREFACE.
quinze jovrSy dans les conditions ordinaires de navi- (jationy à travers les rapides et les gorges qui marquent le cours du Yang-fzïfy pour atteindre seulement le point d^i7iter section de la voie fluviale et de celle de terre. Et^ dans cette demière partie du vogage, que crobstacles à vaincre^ surtout quand il s'agit de trans' ' ])ortery à travers les montagnes abruptes du Ssu-cliuan et du Kuei'ChoUy des objets encombraids, dont T énorme poids ne peut être divisé entre des bêtes de somme!
Les mandari?fs connaissaient toutes les difficultés que présentait un co?ivoi de ce genre; mais souhaitant v^ivement d'être en possession de canons européens^ dont iU avaient ente?idu raco)der les surprenants ejfets, et sur r assurance de M. Dupuis que la navigation du fleuve Rouge pouvait être aisément reprise^ ils se lais- sèrent gagner à cette économie de temps et de dépense et résolurent d^ acquérir un matéiel de guerre et de créer un arsenal. De leur côté y les fonctionnaires civils y voyafit dans V ouverture de la route du Tung- king nu moyen de rétablir le mouvement commercial que la rébellion avait arrêté ^ et par suite une fruc- tueu^se source de revenus pour le trésor public ^ pro- mirent de seconder Ventreprise de tous leurs efforts.
Malheureusement j la province ûait alors dans un complet désarroi : tout le midi était occupé par les bandes des chefs indépeiidants ou au pouvoir des par- tisans de Tu Wen-hsiaOy sultan de Ta-li. Au mois de
PREFACE. IX
mai 1869y époque à laquelle M. Dupuis se trouvait à Yim-^ia^i'fuj cette trille était assiégée par les immil- mans; un seul passage^ à Festy demeurait lïbre^ et en- core était-il labouré par les projectiles ejinemL^.
Vu la situation alarmante des affaires et Vimpossi- bilité rF aller reco7inaître la iiamgahilité du fleuve Rouge^ // fut décidé qu^on enver^mt aussitôt que possible^ par la voie du Ssu-clùtan^ quelques pièces d! artillerie légèrej et qu^on réunirait le personnel nécessaire pour V installation d\m arsenal. Quant à V exploitation des mixtes y elle devait être e?itr éprise e?i d&mer lieu et dès que la prov^ince serait en partie apaisée.
Ml arrivant au YHn-nan^ en février' 1871^ M. Du- puiSj qui avait fait le voyage avec ?iouSy put parcourir le sud et s^assii/rer par lui-même des difficultés que pré- sentait smi entreprise. De retour à la capitale et con- vaincu du sfuccèsj il quitta la province quelques mois phis tard (eu septembre), mu?ii des documents officiels qui lui étaient nécessaires pou/r revenir j Vannée sui- vante^ avec le matériel demandé.
Resté seul pour organiser l'arsenal projeté, nous obtînmes, avec les faibles moye7is 7nis à notre dispo- sition, des résultats qui nous firent bien augurer de T avenir : nous avions commencé (Fétudier les ressources métallurgiques du Yim-nan, lorsque vers la fin de 1872 nous fumes atteint d^une maladie du foie d!un carac- tère tel, que force nous fut de quitter la province en
à
PREFACE.
novemhi'e 1813 pmir aUer réclamer à Sha?if/'hai les secours de la science.
Durant notre sfijour dans cette contrée^ une (/rande partie de notre temps fui employée à la risiter en dijfé- refîtes directions. Notre situation officielle^ nos rela- tions avec les mandarins civils et militaires de tous gradeSy avec les chefs des musulmans, des Lo-lo ef des Pa-iy avec les Miao^tzH et les trihus du sud-est, nous permirentj malgré Vétat de houlerersement de la province^ de prendre des notes et de rassemhler des documents quHl serait difficile sinon impossihle de se procurer aujourd'hui (pie le calme est rétabli. Nous trouvant sur les lieux an moment de la lutte, nous avon-H raconté les faits tek qu^ih se sont passés. Mffin- tetiant que la tourmente a cessée les Chinois semblent oublier quih ont été les provocateurs et font lliisto- rique des événements à leur fantaisie.
Depuis que nous avons quitté le YUn-nan, nous avofis entretenu une correspondance suivie avec plu- sieurs fonctionnaires et des notables de diférents dis- tricts ^ de înanière à pouvoir suivre les chanf/ements que si) sont produits.
Partant du YHn-nan dans les conditions indiquées plus haut avec la, ferme volonfé de retourner à notre postCj par la voie du Tung-kingy nous neuiportauies que les bagages nécessaires pour faire le voi/age. Une partie de notre journal ayant été laissée dans cette
PREFACE. XI
prûviucey ce fut wi an après seuleme?itj à came des difficultés qîd surgirent à la suite de Veœpédition du lieutenant Garnier au Tung-kingj que^ voyaiit Vimpossi- hilité de mettre notre projet à exécution^ nous fîmes demander ces documents.
L'idée de mettre au jour des notes recueillies dans une intention tout à fait personnelle était loin de nous; maisy à notre arrivée à Shayig-hdiy sur les instances d'amis hienveillants ety pemmit que ?ios renseig?iements powraient être de quelque utilité aux personnes qui h'intéressent aux pays de V extrême Orient ou à celles qui désireraient les visiter^ nous résolûmes d offrir au public le résultat de notre expérience et de 7ios re- cherches dans ces loi^itains parages.
Le but que nous nous sommes proposé dans ce
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travail a été de décrire aussi clairement que possible les localités du Yun-nan que 7ious avons parcouruesj d exposer les événements qui s^y sont passés pendant les dix'hnit années de guerre civile^ et de donna* un aperçu des ressources considérables de cette contrée ^ encore si peu comiuCy et à coup sur Tu7ie des plus riches de l'Empire chinois. Nous parleroiis de ce que nous avons vu par nos yeuXj de ce que nous avons puisé à différentes sources tant officielles que privées. La description du pays et des habitants a été extraite dfe 7iotre journal^ écrit sur les lieux mêmes; la forme littéraire est un peu négligée^ certains détails paraîtront
â
Xn PREFACE.
futiles y et (Vautres imparf(ntement racontés j mais le tout est fait de hoime foi et sans exagération.
Uoumage se partage en plusieurs divisions. La première, qui traite de T itinéraire de Han-kow à YUn- nan-'fu, comprend la description des provinces que nous avons traversées et celle dn Yiln-nan septoi- trional
Dans la seconde nous avons résumé^ sons forme d^ essai j lldstoire de la province entière depuis la con- quête jusquW nos jours. Il reste à combler des la- cuneSy à résoudre bien des questions douteuses^ ce que les écrivains chinois ont négligé de faire^ probable- ment à cause du désordre dans lequel était plongé le pays à certcdnes époques; tout imparfaites quelles sont^ ces annales montrent cCune façon générale comment s'exerçait jadis la politique chinoise. Cependant^ nous Favouons, le but que nous nous étions proposé n^est pas atteint, et les résidtats obtenus ne répondent pas aux efforts qurils nous ont coûté.
Cet essai est suivi de la section descriptive ^ com- merciale et productive de tout le sud, ainsi que de Fitinéraire de YHn-^nan-fu à Man-hao et des excur- sio9is intermédiaires.
La seconde partie s'ouvre par une notice sur les tribus autochtones qui habitent le Yûn-nan. Le vaste champ que présente cette question au point de vue des races est assurément Fmi des plus intéressants
PREFACE. xm
et exigerait des connaissances spéciales; fidèle à notre rôle de témoin impartial^ nom avons reproduit ce que nous avons pu apprendre^ laissant à de phis savants que nous le soin de parler de ces matières avec autorité.
Vient ensuite un réstmié historique de la rébellion musulmane dam ses phases successives jmqu^à la dé- cadence du sultan Tu Wenhsiao. Pour ce sujet, nous croyons avoir été favorisé d!une façon particulière: non setdement nom avom assisté à une partie des événements y mais nous avons obtenu des principaux actems de ce long drame de précieua: re^iseignemefits. Nous citerons Ma Tê-hsing, le chef de la religion musulmane et aussi le promoteur de la résistance, qui a bien voulu nous commu?iiqner son propre journal;
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Ma Ju'Lung, son aide de camp gméral, et dams la suite le premier personnage de la province, ou il a été dictateur et général en chef pendant plusieurs années, et dont la haute eœpéience a singulièrement facilité notre tâche ; et Tsên Yu ying, le gouverneur de la province. Musuhna?is et Chinois no^is ont fowni leur contingent de faits et de documents.
Eu dernier lieu, nous nous sommes occupé du traitement des minerais tel qu^il est pratiqué par les indigènes, et nom avons dressé une liste des mines les plus productives de la province, clmsées par dé- parlements.
XIV PREFACE.
Il nom a semblé ftecessaire, avant de clore ce tra- vaily de jeter un coup d'œil sur les routes commerciales et de détailler les divers avantages qu^ elles présentent.
La carte du Yim-fian qui accompagne cet ouvrage a été dressée d^'après les cartes les plus récentes et soig?ieuseme?it corrigée sur les documents chinois et les informations fournies par les chefs de tribus ou les négociants.
Le grand nombre de 7ioms chinois qui figurent da^is le texte et la difficulté de les présenter au lecteur français avec quelque régularité nous ont fait adop- ter j pour toute la partie chinoise, le système (f ortho- graphe de Sir Thomas Wade, ministre plé?iipotentiaire cT Angleterre en Chine. Il est à notre avis le plus par- fait de ceux que nous connaissons et a V avantage d:être le plus connu. Toutefois^ pour faciliter la prononcia- tio?i aux personnes qui ne le comumsent pas, nous indiquerons ici quelques-unes des principales règles applicables à notre langue : ainsi ch équivaut à tch;
— SH à ch; — su à sou; — w à ou: — hu à hou:
— ou à EOU.
Il nous reste à remercier toiis ceux qui ont bien voulu s^ifitéresser à notre travail^ nous aider de leurs conseils et nous soutenir de leurs encouragements.
Nous devons plus particulièrement exprimer notre reconnaissance à 31. Robert Ilarf, inspecieur général des Douanes maritimes de la Chiner sous les auspices
PREFACE. XV
duquel cet ouvrage a été publié; à M. Louis Dunoyer de SegonzaCy officier de la manne française et sous- directeur de F arsenal de Fou-tcheou (Chine) y qui a bien voulu se charger de la tâche délicate et fasti- dieuse de surveille?' Timpression et de corriger les ei'reurs qui ne manquent pas de se glisser dans im livre sur la Chine publié en Europe; e^ifin^ à mon frère^ Louis Roche?*, sous-secrétaire chinois et sous-commis^ saire de douanes, attaché à Vinspectorat général de Pe-kingy dont V érudition nous a été dmi grand se- cours pour compulser les historiens chinois.
Amoy, 2 février 1879.
CHAPITRE PREMIER
DE HANKOW A CffUNG-CH'ING
CFTAPITRE PREMIER
DE HANKOW A CH'UNG-CH'ING
DE HANKOW A CH'UNG-CH'ING.
C'est au mois de septembre 1870 que nous quittâmes l'arsenal de Fu-cliou pour commencer le long voyage, dont nous mettons le récit sous les yeux du public. Le moment, il faut le reconnaître, était assez mal choisi, et une telle enti-eprise, qui devait nous conduire au fond de la Chine à travers des provinces à peu près inconnues aux Européens, ne pouvait débuter sous des auspices moins favorables. Le territoire du Céleste Empire n'offrait alors aucune sécurité à l'étranger qui s'aventurait hors de l'enceinte des ports ouverts au commerce. Les tristes événements qui venaient d'avoir lieu à Tlen-tsin, l'effervescence des passions populaires, la me- naçante rameur d'un grand rassemblement de troupes destiné à combatti'e les Européens, tout cela rendait difficile notre situation de voyageurs pacifiques; d'autre part, l'efficacité des lettres officielles qui nous accréditaient auprès des fonction- naires du YUn-nan n'était guère rassurante, car jusque là nous devions voyager à nos risques et périls. Nous allions être entièrement à la merci des mandarins, fonctionnaires imbus de préjuges, qui infatués de leur propre civilisation, dédaignent ce qui y est étranger et, accoutumés aux bassesses
de leur entourage, prétendent, loin du pouvoir central, faire
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DE HANKOW A CH'UNG-CH'ING.
ployer (levant eux tout ce qui les approclie. Si nous avions prêté Foreille aux remontrances de nos amis, nous aurions (lès les premiers pas rebroussé chemin; mais notée résolution étuit prise depuis longtemps, nos plans faits, nos préi)aratifs terminés; en outre, les officiers qui devaient nous accompagner étaient arrivés : nous paiiimes.
Afin de circuler avec plus de liberté i)armi des populations ignorantes et hostiles, notre premier soin fut de dépouiller, en apparence du moins, la qualité d'étianger en revêtant complètement le costinne national.
A Hankow commença en réalité notre voyage. Comme M. Dupuis avait surveillé lui-même les derniers ai)i)réts du départ, nous ne restâmes que deux jours dans cet endroit avfint de remonter le fleuve.
La petite flotille, composée de ti*ois barques du pays, quitta Han-yang ('^ ^) par une nuit d'octobre; il avait fallu, pour oi)érer cette manœuvre, attendre le lever de la lune afin de côtoyer sans encombre les nombreux radeaux qui s'échelonnent le long des murs de la ville. La nuit était sereine; de temps à autre, la brise, soufflant jiar rafales, enflait les voiles et aidait nos bateliers à remonter le courant,
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très fort en ces parages; les étoiles scintillaient comme des diamants, la lune qui montait à l'horizon répandait ses mornes clartés sur (*e coin de terre si bruyant et si animé tout à l'heure. Dans le lointain se dessinait, à travers h^ bnimes de l'atmosphère, la noire silhouette de la tour Huang-huo- lou, (j[ue nous ne devions pas tarder à perdre de vue. Le battement des bambous d'un veilleur de nuit annonçait] çà et là le voisinage des lieux habités et troublait seul doj son bruit monotone le calme profond qui régnait autour de; nous.
CHIN-K'OL'. 5
Le leiidemain fut nue riante jonnu'e (Vantonine; le soleil se leva dans un ciel sans nuaj>es et nous trouva voguant pai- siblement entre les villag'es de Ifsiao-chun-shan (>J> ^ [|[) et de (■liin-kou (^ p ). Nous finies une courte halte dans cette deniiere localité, d'abord jiour donner le temps de nous rejoindre à une jonque qui était restée en arriére, puis pour faire nos adieux aux amis qui nous avaient suivis jusque là, ADI. Guéneau, gérant du consulat de France, et Dillon, emi)loyé des douanes impériales. Grâce au vent du matin, la flotille se remit rapidement en route.
Le voyageur qui part de Hankow pour se rendre au Ssfi- cb uan a le choix entre plusieurs routes. La plus courte, et celle qui est généralement suivie par les mandarins et petits marchands, est celle des lacs que Ton prend à 30 lis au- dessus de Hankow; elle permet d'accomplir le trajet jusqu'à Sba-shih (^ TJj), point où on change de bateau, en huit jours, dans les conditions ordinaires de navigation. En suivant, au contraire, le cours du fleuve, on n'a pas besoin de trans- border et l'on peut aller directement jusqu'à I-chang, trajet qui dure de douze à treize jours; mais, si par malheur le vent du n'ord, qui règne surtout en hiver dans ces parages, surprend le voyageur au milieu des immenses détours que fait le fleuve, il n'a d'autre ressource que celle de chercher un abri et d'y attendre avec* patience que le calme soit rétabli. Cette voie, bien qu'exposée à ces fâcheux contretemps, est d'ordinaire suivie par les grandes barques du 8sû-chiian qui trafiquent entre Ch\nig-chnig-fu (2 iS f^) ^^ Hankow.
La route que nous adoptâmes, oifre l'avantage de traverser une partie du Hu-naii (^ ^), ainsi que le lac Tung-fing (1^ J^). lé plus étendu de la Chine et probablement le ])liis intéressant au [loint de vue géologique. (.îet itinéraire est un
DE HANKOW A CHT^NGCH'ING.
peu plus long que par les lacs et plus court que par le fleuve. Les négociants qui se rendent au Ssù-cli'uan, le suivent rarement à cause des barrières ou douanes locales oîi leurs marchandises sont frappées de droits de transit, tandis que par les deux autres ils [)assent du Ilu-peli dans le Ssû-ch uan en n'acquittant qu'un droit à Kuei-chou-fu (^ j^ jjy^j, bar- rière de cette dernière pronnce.
Par suite du caractère officiel de notre voyage et les armes que nous avions à bord n'ayant rien à payer, puisqu'elles appartenaient au gouvernement, nous résolûmes, quoique la route fût un peu plus longue, de visiter cette partie du Hu-nan.
Après huit jours de navigation, nous arrivâmes à Yao-chou-fu Çj^ j^ j^^^ qui est situé à Feutrée du lac Tung-ting.
Cette ville, bâtie en amphithéâtre, est entourée de rempart.^, dont on aperçoit de loin les créneaux qui serpentent sur les flancs de la colline. L'intérieur est très bien construit, mais une malpropreté repoussante y aifecte aussi désagréablement la vue que l'odorat. Dans le quartier du commerce beaucoup de magasins mettent en montre des articles européens; les rues sont étroites, néanmoins les nuircliands ne craignent pas d'étaler leurs soieries aux couleurs voyantes pour attirer la clientèle. Yao-chou a un mouvement d'affaires assez considé- rable, entretient des relations directes avec Hankow et ajipro- visionne les villes de l'intérieur des produits de l'Europe.
Les habitants, comme tous ceux de la province, nourrissent ime liaine profonde contre les barbares de l'Occident. Nous devons ajouter qu'ils se distinguent par des sentiments de fierté et par un goût marqué pour le métier des armes. Durant la rébellion des T'aï-pnig (^ ^), cette province fut une de celles qui fournit le plus fort contingent militahe ; encore
YAO-CHOU.
aujoiu'd'hui la plupart des soldats disséminés dans les garni- sons sont originaires du Hu-nan. Dès lors on comprend qu'élevés, pour ainsi dire, au milieu des camps, ils en re- tiennent les coutumes à tel point que, après le licenciement des corps auxquels ils ont appartenu, beaucoup d'entr'eux, trouvant trop pénibles les travaux de la campagne, cèdent à leurs penchants de paresse et de dissipation et vont grossir ces bandes de vagabonds et de mauvais sujets qui cherchent dans les villes à vivre de rapines.
Le Hu-nan, par son climat et par les nombreux cours d'eau qui l'arrosent, par ses gisements métalliques et par la fertilité de son sol, est une des provinces les plus favorisées de l'empire. De ses mines, jusqu'à présent exploitées sur une petite échelle, on tire une grande partie de la houille et du fer* brut qui alimentent le marché de Hankow.
Dès noti-e an-ivée, les mandarins de la douane, voyant le pavillon du vice-roi du YUn-nan flotter au haut des mâts, s'empressèrent de venir à bord pour connaître le sujet de notre mission. Après avoir échangé les politesses d'usage et bu le thé, ils demandèrent, avec des formes très courtoises, à examiner nos papiers, s' excusant, au reste, de traiter des fonctionnaires comme eux en vulgaires marchands et alléguant les nécessités du service qui les obligeait, comme le trans- port des armes était prohibé, à faire scrupuleusement leur devoir. Ici commençaient nos embarras : non contents d'avoir vu tous nos papiers et les dépêches du vice-roi du Yîin-nan, ils soulevèrent une difficulté quelconque dans le but d'obte- nir une gratification. Comme nous avions hâte de nous re- mettre en voyage, nous eûmes recours à l'argument décisif, c'est-à-dire à quelques lingots d'argent, dont ces messieurs
DE HANKOW A ('irUN(;-(;iriNG.
C^ette aflFaire eonelue et nos provisions faîtes, nous mîmes à la voile pour traverser le lac. Il offrait en (*e moment l'aspect le i)lus animé : d'innombrables barques le sillonnaient dans t(ms les sens, tandis que des jonques massives, déployant leurs pavilbms multicolores, attendaient à l'ancre près du l)ord rbeure du cbarjçement.
La brise du matin nous étant favorable, nous dépassâmes rai)idement les faubourgs. Bientôt de gros nuages noirs s'anu^n- celèrent à l'horizon, et nos bateliers, dans la crainte d'un orage, suivirent l'exemple des barques qui nous i)récédaient et allèrent chercher un abri derrière l'île de ('hiin-shan (J^ Ul )• Nous restâmes là deux jours au mouillage, en atten- dant que la b(mrras([ue fût ai)aisée. Ce lac, ([ui n'a ])as nuûns de 400 lis de long et 120 de laige, est d'une traversée dan- gereuse ])endant les ccmps de vent; aussi, les bateliers qui naviguent sur ses eaux ne s'y engagent-ils jamais i)ar un temps douteux et règlent-ils leur marche d'après les ai)i)a- rences du (*iel qu'ils hitcriirètent avec beaucouj) de sagacité.
Cv contretemps nous permit de visiter Tîle qui nous abritait. Elle est d'un aspect channant: des arbres de toutes sortes y forment des ombrages inaccessibles aux rayons l»rftlants du soleil; des temples dissémhiés de côté et d'autre ménagent un asile aux promeneurs fatigués. Sur la pente de deux coteaux on cultive une variété de thé, spécialement rési^rvée comme offrande aux grands dignitaires de l'empire; en d'autres endroits, clos de murs et sévèrement gardés par des bonzes, croît le thé destiné au Fils du Ciel. Au point culminant di^ l'île s'élève un pavillon pittoresque, environné d'arbres et de fleurs, de statucss, iW cascatelles, de i)agodes, de tout (*e décor enfin (juc h»s ( -hinois, émineunueut paysagistes, savent si bi(»n faire servir à rehausser les beautés de la nature.
TAl-PING-K'OU. 9
Une cinquantaine de barques avaient, comme nous, clierché un refuge contre les colères du lac; le péril passé, toutes s'éloignèrent à Tenvi, et notre ilotille déploya ses voiles.
La navigation devient alors assez monotone. Nous côtoyons plusieurs îles couvertes de verdure; puis d'immenses bancs de sable nous obligent à un grand détour pour aller prendre le chenal qui conduit au canal de T'ai-plng; les rivages sont bas et remplis de roseaux. Le sol s'élève peu à peu, les roseaux disparaissent pour faire place aux cultures de plein rapport.
Le premier village que nous reneonti'ons appartient à la proviiu*e du Hu-peli, d'où nous sommes sortis en peu avant d'arriver à Yao-chou. Là, comme dans cette dernière ville, on prélève un droit de transit sur toutes les marchandises qui passent. Il suffit de transmettre nos cartes à l'agent de senice qui vient nous accoster, et nous passons outre sans plus de cérémonie. Du reste, la même manœuvre se renou- velle à tous les embranchements. Quelques jours plus tard, et en déi)it du vent contraire, nous sommes à T'ai-p'ing-k'ou (^jt ^ P); nous y retrouvons le Yang-tsil-chiang, que nous a\1ons quitté plus bas que Yao-chou (-^ ^ /i^)-
On fait halte à l'enti-ée du fleuve. Le lendemain, le vent du nord-est, qui se lève avec le soleil, contrarie notre marche. A midi, nous atteignons le village de Chiang-kV)U (•/X P); à cinq heures et demie, celui de Tung-shih (^ Tfj), et, malgi'é riieure avancée, nous poursuivons jusqu'à Mu-chia- wan (^ ^ ^), 011 nous arrivons à huit heures du soir.
Une foule de bateaux, qui font même route que nous, s'ébranlent au signal du canon; les douaniers le donnent du matin au soir pour avertir les bateaux soit d'interromi)re leur course dès qu'il fait nuit, soit de la reprendre, soit enfin
10 DE HANKOW A (irUNiî-CiriNG.
d'acquitter les droits de passajjce. En quelquert iiiiiuites ce village, dont le port était plein, est laissé en arrière; chaque patron de barciue s'eflfbrce de dépasser son voisin. Vers le milieu de la journée, un de nos mâts se brise et nous force d'arrêter. Pendant qu'on envoie au plus prochain village faire forger des cercles pour le réi)arer, nous mettons j)ied à terre pour chasser dans les emirons. Les hauteurs qui l)ordent le fleuve sont couvertes de broussailles et de hautes herbes, parmi lesquelles nous trouvons des faisans et des lièvres. Dans la vallée un grand nombre d'orangers en i)leine terre balancent leure fruits dorés bons à cueillir. Des i)aysans nous en offrent quelques-ims, en échange desquels ils ne veulent rien recevoir. Ce sont des oranges à écorce très épaisse et dont la pulpe est amère. Enfin le mat est rac- commodé, et, après avoir passé la nuit dans cet endroit, nous repartons de grand matin. A huit heures et demie, nous touchons les premières maisons d'I-tu-hsien (^ ^ >^)) ^'^^^^ que, sans notre accident, nous aurions dû atteindre la veille. Pressés d'arriver à I-ch'ang, nous passons sans nous arrêter.
Le fleuve est toujours aussi large; de grands bancs de cailloux fonnent son lit et, en certains endroits, rendent le halage difficile; aussi faut-il ajouter ensemble les cordelles de deux bateaux. De plus, la nécessité de marcher en file, c'est-à-dire un bateau derrière l'autre, fait perdre beaucouj) de temps. A cinq heures et demie du soir, nous sommes à Ku-lu-peh (-j^ J^ '^), et nous n'allons pas plus loin.
Le jour suivant, par extraordinaire, nous avons un ciel pur et la brise pour nous, une brise très fraîche sinon froide. A huit heures, on franchit un endroit où le fleuve est un i)eu pressé entre les collines; au loin, une toiu- à sept étages annonce l'approche d'I-chang (5|[ ^). Nous y arrivons à
ICH' ANG. 1 1
(leiix lieui'cs et demie, après ving^t-deux jours d'un voyage qui n'exige ordinairement qu'une quinzaine.
Par sa position géographique à 1150 lis, ou 350 milles environ de Hankow, cette ville a une certaine importance au double point de vue commercial et administratif. Une gmnde partie des marcliandises européennes ou indigènes qui montent le fleuve y sont transbordées sur des bateaux du Ssû-ch uan, spécialement construite pour naviguer sur le haut fleuve et franchir sans encombre les nombreux rapides qui en acci- dentent le cours. Quant aux produits qui viennent du Ssû- chiian, ils sont également transbordés pour descendre par eau à Hankow, ou bien ils prennent la route de terre et traversent les provinces du Hu-nan et du Shan-tung (|1| ^).
Ici, comme dans toutes les localités riveraines du fleuve, il y a exubérance de population. Les faubourgs étaient con- sidérables, avant qu'ils eussent été en partie détruits par les inondations de 18G8-()9. C'est en dehors de la cité qu'on traite en général les affaires commerciales et qu'habite la classe des mariniers, qui forme plus de la moitié de la popu- lation extra muros.
Les barques qui descendent de Ch\mg-clnng n'ont besoin, en raison du coui-ant qui les entraîne avec une vitesse de quatre à sept nœuds à l'heure, que d'un personnel ti'ès res- treint. Si elles se dirigent en amont, c'est le contraire: ayant à lutter contre une foule de difficultés, il leur faut un nom- breux équipage. Or, afin de ne pas manquer de bras, la coutume veut que tous les bateaux qui descendent prennent à leur bord autant de monde que possible. Les matelots ahisi engagés se confoiment à la règle, c'est-à-dire qu'ils n'ont droit à aucun salaire pour la descente, ils sont seule- ment nourris; en amvant à I-ch'ang, ils débarquent tous et
12 1>E nANKOW A ('HT'X(î-('H'IX(;.
vont attendre dans le club de la jn-ovinee ou chez les jda- ceurs le moment d'être emidoyés. Sur les grandes jonques mareliandes il y a une quarantaine de matelots au moins, ehîffre qui tombe à douze ou quinze pour les bateaux de voyageui*s. Si tout ee monde ne reçoit pas de gages dans la deseente, il se rattraj)e avec usure lors du retour.
Le j)oi1: d'I-eirang, au moment de notre passage, i)résentait une grande activité. Les l)arques de chaque i)rovince ont leur mouillage particulier; celles qui ont des marchandises à vendre en hissent au haut de leur mat un spécimen quelconque, en guise d'enseigiie. Les Kua'tzû'chuan, navires spéciale- ment destinés aux voyageurs, sont amarrés à quai et sans mâts, ce qui leur donne Tapparencc de vieux pontons hors de service; leur constniction légère en planches de sapin mal jointes donne à réfléchir avant de prendre passage sur de pareilles carcasses, qui doivent franchir les rapides, qu'on trouve presque au sortir du i)ort.
La population est aussi nombreuse que compacte et variée; les natifs du Ssii-clnian y figurent pour un cinquième. Les faubouriens d'I-cirang, par suite de leurs rapports constants avec les gens de cett^ province qui passent à bon droit pour de grands chicaneurs, ont jH'is de leur ruse et de leur mauvaise foi ; menteurs effrontés, querelleurs, toujours âi)res au gain, ils ont tous les nmuvais penchants qui cara(*térisent les po- pulations cosmopolites; l'activité qu'ils mettent à tout ce qui peut leur rai)i)orter du bénéfice les rend souvent insolents.
Deux jours nous suffirent jxmr louer de nouvelles barques et faire tous les préparatifs nécessaires. Le retard que nous avions éprouvé dans la traversée du lac Tung-ting nous obligeait à partir au plus vite. Quelques lumimcs manquent à rappel. Nos nmîtrcs 1>ateliers procèdent néanmoins à la
DÉPART D'I-CirANG. 13
eérénionie du départ : ils sacrifient à Tavaut un jeune coq qu'ils mangent ensuite, et collent quelques-unes des plumes dans le sang qui est tombé sur la proue. Dès lors, nous étions prêts à lever l'ancre.
11 novembre, — Bien que le départ ait été fixé pour ce matin de très bonne heure, personne ne bouge à bord; les patrons questionnés sur ce manque de parole ne savent que répondre et, sous prétexte qu'ils ont besoin de choses indis- pensables pour le voyage, ils réclament de nouvelles avances. Comme ils ont déjà reçu plus de moitié de la somme qui leur est allouée par le contrat, nous repoussons leurs exigences en les menaçant de porter plainte au Ya-mên. Cette simple menace produit son effet : peu d'instants après, tout se trouve en ordre et nous partons.
A quinze lis environ d'I-ch'ang, le lit du fleuve se resserre entre de hautes montagnes. Plus nous avançons, plus la navi- gation devient difficile; en certains endroits, des roches ob- struent le chenal et déterminent de forts remous que nous traversons péniblement. Nos bateliers, rompus dès leur enfance aux rudes mjtnœuvrcs du halage, sautent de roche en roche comme des singes et ne craignent pas, malgré le froid, d'en- trer dans l'eau, lorsqu'il est nécessaire.
Les bateaux qui trafiquent entre I-ch'ang et Ch\ing-ch mg-fu sont pourvus à l'avant d'un grand aviron, qui sert à les faire évoluer sur place dans les endroits oii le courant a des coudes si bnisques que le gouvernail seul serait impuissant à agir.
Le fleuve, qui avait crû de 35 centim. à notre départ, a continué de monter; le patron nous annonce qu'il y a deux pieds d'eau de plus que les jours précédents. Nous mouil- lons dans une petite baie, à dix heures du soir.
14 DE HANKOW A OH'UNG-CH'ING.
12 novembre. — La journée est magnifique, mais les difficultés de la navigation sont toujours les mêmes : de« ro(*liers se montrent à fleur d'eau au milieu du chenal et nous forcent à décrire des zigzags; le courant est plus fort que hier. A ti'ois heures, un gouvernail se casse, et cet accident nous vaut une halte forcée pour faire la réparation. Nous avons parcouru GO lis.
13 novembre. — On lève l'ancre à six heiu'es du matin. Les passages deviennent si difficiles qu'il faut prendre un l)ilote et, à l'aide de son bateau, passer la corde de halage quand les circonstances l'exigent.
Dans la matinée, nous dépassons chiq ou six jojiques à demi -submergées; l'équipage a étîibli une tente sur le rivage et les marchandises, consistant en grande partie en coton, sont mises à sécher par terre au soleil, pendant que des charpentier sont occupés à réparer les dégâts.
A quatre heures, nous pénéti'ons dans une gorge très étroite: elle a six lis de long et pas plus de 80 mètres de large; les falaises abruptes et coupées h pic surplombent par moments le fleuve et menacent d'engloutir les audacieux passagers. Dans ces endroits le courant est si faible que nous passons facilement à la rame. Nous mouillons à six heures. La température est fraîche.
14 novembre. — Ce matin, nous partons de fort bonne heure afin de franchir le rapide de Ch ing-t'an (]^ ^), si- tué à sept à huit lis plus haut, avant que les bateaux qui nous suivent, soient arrivés. Il y a là une dizaine de grandes barques qui attendent leiu- tour pour passer; force nous est d'en faire autant. Quarante coolis suffisent à chaque bateau
KUEI-CHOU. 15
pour surmonter la difficulté; le salaire ordinaire est de cinq à sept sapèques par homme, mais comme les nôtres ont bien ti-availlé, on leur donne une gratification en sus.
A une heure, on s'an'ête pour laisser aux équipages le temps de prendre leur repas. Le fleuve continue d'êti-e en- caissé enti-e deux rangées de montagnes, tantôt boisées, tantôt plantées de maïs. L'impression générale est celle d'une con- trée misérable. Plusieurs cours d'eau de peu d'importance viennent se jeter dans le fleuve.
A trois heures, la barque qui porte les munitions de guerre et une partie des armes touche sur une roclie; malgré leur activité, les marmiers ne réussissent pas tout de suite à bou- cher le trou; tout ce qu'ils peuvent faire, c'est de masquer avec du coton et de la toile à voiles la voie d'eau qui s'est déclarée, afin de nous permetti-e d'aborder au rivage, où il sera facile, étant tout près de Kuei-chou (^ ;f||), d'avoir le secours des charpentiers. De même que hier, nous avons rencontré quelques barques échouées en train de réparer leurs avaries.
15 novembre. — Les avaries d'hier sont réparées, mais voici que les patrons refusent de poursuivre le voyage, allé- guant que les bateaux sont trop chargés, mauvais prétexte pour faire augmenter leur salaire. Avec ces bateliers du Ssû- ch'uan on sait à peu près quand on part, mais jamais quand on arrive; ils inventent sans cesse de nouveaux motifs de plainte, des difficultés sans nombre, dans l'espoir d'en tirer quelque argent. Après beaucoup de paroles, on se remet en route. En passant devant Kuei-chou, Wang, l'agent de M. Dupuis, va vers le mandarin de la ville, pour le prier, comme le convoi appartient aux mandarins du Yiln-nan, de
16 DE IIANKOW A CirUNCî-CIIUNO.
réquisitionner deux petites barques, pour nous servir d'allèges. Le mandarin, eoniprenant noti-e position, fait droit à sa de- mande ; le transbordement s'opère sans délai et nous repartons.
Kuei-ehou n'a aucune importan(*e commerciale. Bâtie sur le flanc d'une colline, elle offre un aspect misérable ; d'énormes blocs de rochers entassés en avant de la ville sur une lon- gueur de plusieurs milles, ainsi que de nombreux tourbillons en rendent l'approche dangereuse, et les bateaux ne peuvent y accoster qu'avec beaucoup de prudence. Les environs sont accidentés; la i)()pulation riveraine est peu industrieuse et s'occupe uniquement fie culture. A ti'ois heiu'es et demie, nous atteignons un second rapide assez fort, que nous i)assons sans peine avec l'aide de ti-ente paysans attelés à chaque bateau.
Dans l'après-midi, vers quatre heures, nous rencontrons une grande jonque échouée ; elle était louée par un mandarin du Yiin-nan qui avait quitté Hankow un mois avant nous. Les réparations étant trop considérables, il avait remis la jonque au patron et loué un auti-e bateau, pour monter jus- qu'à Kuei-fu et de là à Chung-chnig-fu. Nous mouillons à cinq heures.
16 novenihre. — Ce matin le temps est beau et l'air frais, sans être froid. On part à six lieures, et bientôt après nous touchons au rapide de Liu-te (^] ^). CVmime d'habitude, . nous utilisons le concours intéressé des riverains et, bien que la différence de niveau soit considérable, nous passons sans accident. L'aspect du fleuve ne varie guère : les montagnes sont parfois aussi abruptes ; les vallées sont rares, mais assez bien cultivées.
Plus nous avançons, plus les montagnes étranglent le lit du fleuve. Le courant est très fort, résultat probable de la
PA-TUNG-IISIEN. 17
crue des jours précédents. A une heure nous arrivons devant Pa-tung-lisien, ville à moitié détruite par les eaux; elle occupe pourtant une position assez élevée sur le flanc droit de la chaîne de montagnes, mais le fleuve est si ressen^é (sa largeur est d'environ 100 mètres) qu'au moment où il déborde, son niveau monte très haut.
Nous rencontrons là le Chen-fai du Hu-peh dont la rési- dence est à I-ch'ang ; il est venu avec toute sa flotille de canon- nières pour conférer avec son collègue du Ssû-clfuan, qui est attendu d'im instant à l'autre. C'est dans cet endroit même, qu'ils doivent, d'après les règlements, arrêter ensemble les travaux qu'exige la navigation du fleuve : celui du Ssû-ch'uan ne descend pas plus bas, et celui du Hu-peh ne remonte pas plus haut. Ce fonctionnaire porte un revolver à la ceinture; il en est fier et, comme tous les Chmoîs, l'arme lui suffit; quant aux cartouches, il prétend en avoir cinq mille dans son ya-mên qui a été envahi par les eaux, et il nous en montre quelques-unes tout-à-fait gâtées et hors d'usage. M. Dupuis, pour lui être agréable, lui en donne cent et autant à son aide-de-camp.
Bien que les montagnes soient arides, ce district est réputé parmi les Chinois pour ses choux pommés et ses pommes de terre. Comme depuis longtemps nous sommes privés de ces légumes, nous envoyons nos domestiques chez les paysans et, moyennant quelques sapèques, ils en rapportent d'excel- lents qui nous rappellent ceux de l'Europe.
Pa - tung - hsien (Q ^ i^) est la deniière localité du Hu- peh ; on entre ensuite dans la province du Ssù-ch uan. Dans les environs on extrait de la houille en plusieurs endroits; elle est de qualité inférieure et ne circule que dans un rayon relativement restreint. La culture des vallées, suffisante pour
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18 DE HANKOW A CH'UNG-CH'ING.
les besoins de la population, ne peut rien fournir au com- merce.
Ici, d'après les arrangements pris avec le mandarin de Kuei-chou, et comme c'est l'habitude du reste, le bateau qui nous a été donné dans cette dernière ville, doit y retourner; en vain essayons-nous de retenir l'équipage en faisant luire à ses yeux l'espoir d'une forte indemnité s'il consent à nous suivre jusqu'à Kuei-fu, il ne veut rien entendre. Le départ de ces hommes amène de nouvelles complications: non seule- ment nous ne trouvons pas de barque de charge, mais le patron de la nôtre refuse de prendre la cargaison à bord, nous assurant au surplus qu'à quinze lis en amont il se pro- curera les bateaux nécessaires ; il s'éloigne avec deux mariniers sous promesse d'être de retour dans la soirée; mais la nuit se passe et personne ne paraît.
11 vovemhre. — Ce matin, désolés de perdre ainsi le temps par suite du mauvais vouloir d'un individu, nous nous déci- dons à partir sur notre bateau et à laisser l'autre en arrière avec deux hommes de plus pour manœuvrer en cas de besoin. A peine avions-nous fait quelques lis que nous rencontrons le patron qui descendait avec des bateaux; il fut convenu, séance tenante, que nous en garderions trois jusqu'à Kuei-fa pour la somme de 7,000 sapèques chaque. Le beau temps continue; la navigation est meilleure que les jours précé- dents; nous passons un petit rapide et peu après nous mouil- lons à Fu-nien-chi (^ ^ ;^), après avoir parcouru 55 lis.
18 novembre. — L'aspect du pays est à peu près le même. Nos bateliers forcent de rames, car une foule de jonques qui nous suivent font diligence pour arriver avant nous au rapide
WU-SHAN. 19
de Lêng-shui-chi (J^ ;|c m); il est franchi à sept heures sans accident. Dans l'après-midi notre marche est assez rapide. A trois heures, nous laissons derrière nous le rapide de Pai- shih (^ Jg), où nous jetons l'ancre.
19 novembre. — Départ au point du jour. Le courant est très fort, on avance péniblement, les difficultés sont à peu près les mêmes; nous croisons de temps à autre des bateaux défoncés. Le vent, par extraordinaire, nous est favorable. L'équipage fait tous ses efforts pour arriver à Wu-shan (M Ul); ïûais le courant et les roches empêchent d'aller vite. A six heures, nous mouillons à 15 lis de cette ville.
20 novembre. — L'espoir d'arriver bientôt dans la première cité de la province du Ssù-chuan réveille nos hommes de très bonne heure. Comme nous, ils ont besoin de se ravitailler.
Nous atteignons Wu-shan dans la matinée; nous dépassons la ville de quatre ou cinq lis, et là nous faisons halte pour donner le temps à nos hommes de renouveler leurs provisions. H est convenu avec les patrons que nous monterons plus haut avant la fin de la journée, mais il n'en est rien, et nous passons la nuit au même mouillage.
La ville, située 6ur une colline de dix à douze mètres de hauteur, a eu une partie de ses murs emportés par l'inon- dation; les faubourgs, qui étaient importants, ont été rasés, mais, avec l'activité qui caractérise les gens de cette pro- vince, les dégâts sont presque partout réparés.
Sur chaque rive du fleuve s'étendent de grandes vallées, qui paraissent bien cultivées. Nos yeux se reposent avec plaisir sur les collines en pleine culture, les premières que nous ayons vues depuis notre départ d'I-ch'ang. Tout le pays
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20 I>E HANKOW A CH'UNG-CH'ING.
que nous avons traversé jusqu'ici avait un aspect sauvage et désolé. Dans ce canton, au conti-aire, la campagne est riante, la population qui circule dans la ville et.au dehors parait parfaitement à son aise et respire un certain bien-être. On y cultive une qualité d'opium très estimée et dont une partie est destinée aux marchés d'I-ch ang ou de Hankow. Au nord, dans le district de Ta-ning-hsien (^ ^ i^), se trouvent des sources d'eau salée, qui sont l'objet d'ime exploitation active; les produits descendent en partie dans cette ville par une petite rivière dont l'embouchure en est voisine. On trouve aussi dans la banlieue un peu de soie, du thé et des céréales qui alimentent les marchés des environs.
21 et 22 novenibi^e. — Deux journées nous séparent de Kuei-chou-fu (^ j^ Jjf^). Ce matin, de même que les jours précédents, il fait beau. Les montagnes s'éloignent du cours du fleuve, et çà et là des vallons et des villages s'échelonnent sur les rives. Le coiu^ant est moins fort que dans le bas fleuve et la navigation en général plus facile. A neuf heures, nous arrivons au passage du plus grand rapide : la diflFérence de niveau, à cette époque de l'année, est peut-être d'un mètre; mais, comme les rochers n'obstruent pas le chemin, nous passons sans trop de peine, grâce au surcroît de tra- vailleurs qui s'emploient au halage. A quelques lis plus haut, se présente un nouveau rapide moins fort que le premier. S'il faut en croire nos bateliers, la navigation à partir de Kuei-chou-fu devient beaucoup plus facile.
Le 22, après une marche laborieuse, nous voici dans la fameuse gorge de Kuei-chou-fu; elle a 30 lis de long. Les falaises sont élevées et coupées comme par la main des liommes. Dans ce défilé, le fleuve, très resserré, coule
KUEI-CHOU-FU. 21
paisiblement, de sorte que la rame suffit à nous faire avancer; nous arrivons à Kuei-fu, située presque au sortir de la gorge, à quatre heures et demie du soir.
23 novembre. — Ce matin, nous prenons nos dispositions pour renvoyer les barques que nous avons engagées en route. Wang va voir le mandarin (Chih-hsien) et porte plainte contre le patron de la barque, qui nous a occasionné tant de tracas. D'après ce fonctionnaire, cet homme était coutumier du fait et U serait puni d'un mois de prison; mais il fallait renoncer à l'espoir de lui faire rendre gorge. Dans la journée, nous trouvons un autre bateau, et on transborde les caisses.
Le port de Kuei-chou-fu est assez bien achalandé; de nombreux bateaux attendent leur tour d'être expédiés en douane; tous ceux qui montent ou descendent sont forcés d'attendre au moins un jour ou deux. Les patrons ou voyageurs qui sont connus des employés, ou qui ont l'art d'intéresser le mandarin par un cadeau quelconque, obtiennent rapidement leur visa; il en est de même pour ceux qui ont des mar- chandises prohibées : quelques lingots d'argent font signer leur passe.
Cette douane est la plus productive de la province. Les mandarins perçoivent des droits très élevés et ne veulent pas reconnaître les transit passes délivrés par les bureaux des ports ouverts au commerce européen. D'après les renseigne- ments que nous a donnés le mandarin^ qui dirige cette
> En 1873, lors de notre retour à Shanghaï, nous fûmes chargé par Ma-Ju- lung (]^ "btl §È)ï commandant en chef des forces du Yiin-nan, de porter une lettre et un paquet contenant de Topium à Lao, mandarin du grade de Chih-fu, qui avait la direction de la douane. Ce personnage est le fils du vice-roi Lao- Ch'ung-kuang T^S ^ 3fe)' ^^^ mourut au YUn-nan, après avoir rendu maint service signalé à cette province.
22 DE HANKOW A CHTNG-CH'ING.
administration, il perçoit environ 250,000 taëls par an. La moitié de cette somme est envoyée à Peking, une partie de Faiitre moitié est remise an vice-roi, et la balance rentre dans la caisse du trésorier général et sert à solder les dé- penses, etc. Le mandarin préposé à cette administration fait promptement fortmie ; aussi, ce poste n'est-il donné qu'à de« protégés, à de hauts fonctionnaires qui ont rendu d'importants services et dont la situation pécuniaire n'est pas en rapport avec le. rang.
La ville, construite sur une petite éminence, est une de celles qui ont le plus souffert des dernières inondations; en 1869, une grande partie de ses remparts furent emportés par les eaux ; ses faubourgs, alors considérables, furent complètement rasés; des milliers de personnes perdirent la vie; enfin des bateaux, en grand nombre, précipités dans les immenses tourbillons qui forment l'entrée de la gorge à quelques lis de la ville, furent perdus, coq)s et biens. Un missionnaire français qui se trouvait là de passage nous fit de cette catas- trophe une description émouvante.
Ici, comme dans toutes les villes du Ssû-ch uan, les mœurs paraissent être plus relâchées 'que dans les provinces limi- trophes. Dès que les rayons du soleil déclinent à l'horizon et que le crépuscule enveloppe la ville de ses ombres, la plage, éclairée par les lanternes des marchands ambulants, parait très animée. Siu- l'eau, de nombreuses embarcations, montées par des artistes et des bayadères, sillonnent le fleuve en tous sens. Toutes ces beautés plus ou moins décrépites déploient une ardeur remarquable à faire entendre, aux accords de leUrs guitares, leurs voix plus ou moins mélodieuses. Elles vont, d'un bateau à l'autre, présenter le carnet sur lequel est in- scrit leur répertoire, et demander aux voyageurs la permission
KUEI-CHOU-FU. 23
de chanter. Parées d'ordinaire de leurs plus beaux atours, elles apportent beaucoup de coquetterie à s'ajuster, et surtout à faire paraître leurs pieds les plus petits possible ; nous en avons vues dont la semelle des chaussures n'avait pas plus d'un pouce et demi de long ; elles sont aimables et gracieuses et s'appliquent par leurs manières séduisantes à exciter la géné- rosité du public. La nuit entière se passa ainsi en concerts ; ce brait d'instruments et de chansons n'était troublé de temps à autre que par la voix criarde des marchands de gâteaux et de comestibles allant offrir leur marchandise aux bateaux qui avaient de la société à bord. L'aurore seule met un terme à cette débauche de musique : peu à peu, ces papillons nocturnes ploient leurs ailes et le calme renaît un instant pour faire bientôt place au brouhaha des transactions com- merciales.
A part la douane dont les recettes sont importantes, le district tire peu de ressources de son industrie. Dans les vallées de l'intérieur on cultive l'opium, le riz, l'indigo, le Tung-shu et le mûrier. On nous signale dans les environs quelques gisements métallifères, qui ne sont pas régulièrement exploités.
26 novembre. — Nous quittons Kuei-chou-fu. Beau temps. La température est fraîche le matin, mais chaude dans la journée. La plus mauvaise partie du voyage est passée, les difficultés sont, paraît-il, moins nombreuses. Nous marchons assez rapidement; le courant est moins fort que les jours précédents, le fleuve est plus dégagé, et quelques cultures apparaissent sur les flancs des collines. Rien de particulier dans la journée. Nous mouillons à six heures, après avoir parcoura 90 lis.
24 DE IIANKOW A CirUNG-CiriNG.
26 novenibre. — De même que hier, nous mettons à la Voile (le bonne heure. La brise est fraîche et nous permet de dépasser une foule de bateaux qui étaient devant nous. A huit heures, nous passons le rapide de Miao-chi-tzû (^ ^ ^), redoutable aux bateaux qui descendent à cause de deux roches qui se dressent en travers du chenal et qui les obligent à une bnisque détour; et l'impétuosité du coiu-ant est telle que, s'ils ne manœuvrent pas assez lestement, ils risquent d'être précipités contre un des deux écueils. Après avoir tra- versé successivement plusieurs villages, nous arrivons à deux heures au rapide de Tung-liang-tzû (^ ^ •^), qui e«t franchi heureusement. Quelques lis nous séparent de YUn- yang-hsien (^ j^ |^), où nous entrons à nuit close (six heures et un quart). Après dîner, nous parcourons les faubourgs, qui sont pleins de monde.
La ville, très populeuse, sert de chef-lieu à une riche contrée. Les produits naturels et fabriqués ont beaucoup d'importance et donnent lieu à des échanges très actifs avec les localités en amont et en aval du fleuve. A l'intérieur on exploite des mines de sel gemme; l'eau extraite des puits constitue, une fois évaporée, une espèce de sel noirâtre que les indigènes préfèrent au blanc, malgré sa vilaine apparence, sous prétexte qu'il contient certaines njatières organiques très rafraîchissantes. La soie jaune, le Tung-you, l'opium, le thé, etc., sont les principales productions du district. Les man- darins de la douane nous ai)i)rennent qu'on extrait de collines voisines beaucoup de soufre ; le gouvernement commence les premiers travaux, dirige ensuite l'exploitation à ses frais, et frappe d'une lourde redevance la petite quantité qu'il livre au commerce.
WAN-HSIEN. 25
27 et 28 novembre. — Deux jours suffisent à franchir la lîstence de 180 lis, qui sépare cette ville de Wan-hsien ^^ ^)' Le fleuve s'élargit; les montagnes s'éloignent et ont place à de petites plaines parfaitement cultivées; plusieurs bourgs défilent sous nos yeux ; partout la population est dense, îur tout le parcours les bancs de galets et d'énormes rochers endent parfois le halage difficile; malgré ces obstacles, le curant est moins rapide, et l'on signale peu d'accidents dans ette partie du fleuve.
Le 28, à midi, nous distinguons le pagode de Wan-hsien, [ue sa situation sur mie éminence fait apercevoir de très 3in; mais les sinuosités sans nombre du fleuve ne nous per- aettent d'atteindre la ville qu'à cinq heures et demie. Nos provisions étant à peu près épuisées, nous envoyons le cui- înîer au marché pour les renouveler; les bateliers, qui pré- endent n'avoir plus de riz, profitent de l'occasion pour s'en ^provisionner. A peine avons-nous jeté l'ancre que des chan- enses viennent à bord faire leurs offres de service; des aandarins, arrivés en même temps que nous, se délassent le« ennuis du voyage en écoutant les accords criards des dolons chinois.
Wan-hsien, qui s'élève par étages sur la rive gauche du leuve, se trouve au centre d'une région fertile. On récolte lans les environs une qualité d'opium fort estimée; les céréales le toutes sortes et les fruits sont l'objet d'un commerce étendu. L'huile du Tung-shu (fl^ ;g^), ou Eleococca Veniicifera, figure lu premier rang des cultures locales. On y rencontre aussi lu fer, dont l'exploitation est restreinte aux besoins de la consommation. Il n'en est pas de même du tabac : cultivé în grand, il est presque tout expédié dans les provinces du S^ord, où il est très recherché.
26 DE HANKOW A CH^DNG-CITING.
La population^ comme dans tonte cette province dn reste, est compacte et indnstriense; elle s'occnpe surtout de com- merce et de navigation. Ce district est connu parmi les Chinois pour donner lieu chaque année à des émigrations de femmes, qui vont gagner leur vie dans les diverses localités de la province. Son commerce était prospère, mais les der- nières inondations lui ont causé beaucoup de mal. L'état des choses, lors de notre retour en 1873, s'était déjà singu- lièrement amélioré : un grand nombre de maisons avaient été rebâties et le mouvement des affaires reprenait de l'ac- tivité.
29 novembre. — Nous quittons Wan-hsien par un temps froid et humide, et par un brouillard intense qui se dissipe aux rayons du soleil. Une foule de bateaux partent en même temps que nous. La navigation n'est pas précisément maor vaise, et malgré la force du courant nous remontons sans trop de difficulté. Une brise favorable nous pousse rapidement; les hommes qui liaient les cordes sont obligés de courir pour nous suivre. Halte dans un grand village, qu'on nous dit être à 90 lis de Wan-hsien. Il est cinq heures et demie.
30 novembre. — H pleut ce matin, de sorte que nos bâtes lîers se lèvent tard. Pourquoi les mariniers chinois ont- peur de la pluie, eux qui n'iiésitent jamais à se jeter, quan^ il le faut, dans la rivière? A sept heures et demie, no sommes en route. Vers onze heures, l'horizon s'éclaircit^ bientôt le soleil vient déchirer le voile d'ennui qui s'étendaL autour de nous. De même qu'hier, notre sécurité est complète et, quoiqu'il n'y ait pas de vent, le courant étant moins fort» nous marchons assez vite.
UN VOL SUR LE FLEUVE. 27
A iine heure, un vol est commis sous nos yeux au milieu lu fleuve. Depuis que nous avons quitté Kuei-cliou-fu nous •encontrons plusieurs fois par jour, en certaines places oîi es eaux sont assez tranquilles, de petites barques montées mr des bouchers qui vendent du bœuf et du mouton aux )ateaux qui descendent. Un de ces étaux flottants avait ic<!osté une grande barque pour y débiter sa marchandise, ît, pendant le règlement du compte, un des garçdîis enleva leux ballots de literie; les objets volés mis une fois en sûreté, e boucher, sans plus s'inquiéter de savoir si le compte des iapèques était juste, fait détacher sa barque et s'éloigne à brce de rames sur la rive opposée. L'équipage, dupé, crie m voleui-! et cherche à virer de bord; le courant l'entraîne. Nous arrivons sur le théâtre du délit au moment où les co- quins allaient nous croiser; mais nos mariniers, à l'aide de leurs gaffes, les happent au passage. Notre apparition subite les frappe d'épouvante : d'un mouvement unanime, ils se jettent à Veau, plus soucieux d'échapper au châtiment que de sauver leurs marchandises ou les fruits de leurs rapines. Sur ces entrefaites, l'autre bateau, le volé, qui avait assisté à la scène, «approche de nous pour renti*er dans sa propriété; mais, non contents de reprendre leur bien, ces gens se mettent en devoir d'emporter celui d'autrui. A voleur voleur et demi. Au bruit ^^ nos menaces, ils consentent en maugréant à rester honnêtes. L»^ tateau du boucher, que nous avions lancé à la dérive, ^t bientôt rejoint par ses propriétaires qui étaient allés quérir ^^ secours auprès de leurs camarades.
Cet acte de justice accompli, la jonque reprend sa coursé ^t continue à lutter contre le courant jusqu'à cinq heures et demie. Il fait nuit quand elle s'arrête.
28 DE HANKOW A CH'UNG-CH'ING.
1"^ décembre, — Le beau temps est revenu; ni brouillard ni humidité. Au dire des bateliers, nous serons à Chung- choti de bonne heure et, comme ils ont aussi hâte d'arriver que nous, ils font diligence. Plus nous avançons, plus le pays est riche. Aux gorges et aux montagnes abruptes du bas Ssû-chuan succèdent des collines d'apparence fertile et des vallées en pleine culture; çà et là les montagnes se rapprochent, l'aspect général du pays est moins sévère et plus peuplé. A deux heures et demie, nous atteignons Chung- chou (jS ^).
Séparée de Wan-hsien par ime distance de 270 lis, cette ville est bâtie en amphithéâtre sur la rive gauche du fleuve. Située au milieu d'un paysage channant, elle sert de rési- dence à de riches négociants retirés, ainsi qu'à des mandarins militaires qui, durant la rébellion des T'ai-p ing, ont accumulé d'énormes richesses.
Chung-chou est un centre très populeux ; mais son commerce est peu en rapport avec le nombre de ses habitants. Le riz, la plus importante de ses cultures, croît dans toute la pro- vince, sur les collines et dans les vallées arrosées par des cours d'eau qui descendent des montagnes. La végétation est partout luxuriante. L'intérieur produit du chanvre, de la soie et im peu d'opium. La douane de cette ville, selon le témoignage des fonctionnaires qui font route avec nous, pré- lève un droit sur toutes les marchandises de provenance étrangère importées par les indigènes pour être vendues dans l'intérieur. Nous naviguons jusqu'à six heures du soir.
2 décenibre. — Nous nous réveillons au milieu d'un épais brouillard ; tout au plus peut-on distinguer les bateaux qui sont devant nous; quant aux haleurs, ils deviennent in-
DE CHUNG-CHOU A FENG-TU-HSIEN. 29
visibles et nous n'entendons que leurs voix, A onze heures, le soleil paraît, et peu après une forte brise du nord-est vient soulager à propos nos bateliers. La navigation est toujours la même, ni moins ni plus difficile. Cette marche monotone entre des chaînes de montagnes commence à nous peser, puis notre voyage s'allonge tellement qu'une impatience bien na- turelle nous gagne. Un bateau est une espèce de prison flottante. Afin d'échapper à l'ennui, nous saisissons toute occasion favorable de toucher ten'e : ainsi nous faisons à pied de longues marches, et quand le bateau s'avance lentement, nous hasardons une pointe dans l'intérieur à la recherclie d'un gibier quelconque; mais en vain battons-nous les buissons, nous ne faisons lever sous nos pas que des tourterelles, qui voltigent d'un village à l'autre, et ime foule de petits oiseaux an plumage varié, de la grosseur du moineau de campagne, et qui fréquentent les rochers ou les rives du fleuve. Un paysan nous assura pourtant qu'à quelques journées de marclie dans les terres le gibier ne manquait pas.
Nous mouillons à six heures du soir, après avoir par- couru 120 lis.
3 décembre. — Le brouillard de ce matin est plus intense et d'une humidité plus pénétrante que celui d'hier ; il persiste jusqu'à la même heure. Point de rapides à passer ; mais des bancs de cailloux rendent parfois le halage pénible. Après avoir atteint Fêng-tu-hsien (gjj ^ j|^) à une heure et demie, nous ne faisons halte qu'à chiq heures. Après le repas des bateliers, le clair de lune et une brise favorable les décident à remettre à la voile ; beaucoup de bateaux agissent de même. Nous mouillons à sept heures et demie, après avoir parcouru 100 lis.
30 DE HANKOW A CH'UNG-CH'ING.
Fêng-tu-hsien occupe la rive gauclie du fleuve. L'endroit, vu le chiffre élevé de sa population, n'a pas d'importance commerciale, à cause de la proximité de Fu-chou (Jf|p ^) et de la pauvreté de ses ressources agricoles, qui consistent en riz, opium, fèves, blé et en un peu de soie jaune et blanche. On nous a parlé cependant d'une mine de fer très productive. Le commerce local y déploie beaucoup d'activité et constitue en grande partie le gagne -pain quotidien de la population flottante. Le Chinois du Ssti-ciruan, éminemment pratique et trafiquant, ne recule devant aucune fatigue qui peut lui procurer un bénéfice ; il est d'avis que tous moyens sont bons pour atteindre le but et, si la fortmie lui échappe chez lui, il n'hésite pas à l'aller chercher ailleurs.
4 décembre. — Nous partons, comme d'habitude, à six heiu'es et quart; le ciel est couvert et, chose digne de re- marque, il n'y a pas de brouillard. A dix heures, nous trouvons une grande jonque chavirée : assaUlie par im coup de vent, elle a été lancée contre une roche; la cargaison et l'équipage ont été sauvés. Dans certains endroits on remonte de forts courants, occasionnés par des barrages ou des bancB de sable. Nous dépassons plusieurs gros bourgs. A trois heures, nous sommes en vue de la ville de Fu-chou (f§ j^) où nous entrons à quatre heures.
Cette ville, située sur la rive droite du fleuve, à l'embou- chure d'une rivière navigable qui arrose les confins du Hu- nan et du Kuei-chou, est considérée, par sa position géogra- phique et par la grande variété des produits du pays, comme un centre d'affaires considérable. A part la richesse du sol plus ou moins commune à tout le bassin, ce district produit une qualité de thé pai-ticulicr, que les Chinois appellent
ARRIVEE A CH'UNG-CffING. 31
Kung-shan-cha (^ jjj ^), ou thé de la montagne Kung- shan.
La rivière Fu-lîng-chiang (y^ |^ ;^), qui vient joindre le fleuve en cet endroit, donne lieu à un trafic important entre les villes de cette province et celles du Hu-nan et du Kuei- chou ; les articles étrangers prennent cette voie pour pénétrer jusqu'aux frontières des deux dernières provinces. Les barques qui la fréquentent sont d'une construction spéciale, qui leur permet de circuler librement à travers les nombreux et diffi- ciles rapides échelonnés sur leur parcours.
Du 5 au 8 décembre. — Quatre jours de marche seule- ment nous séparent de Ch'ung-chmg-fu, où nous arrivons le 8, à six heures du soir.
En quittant Fu-chou, le fleuve devient plus monotone, les montagnes se rapprochent des rives. Nous franchissons en deux jours la distance qui sépare cette dernière ville de Chang-shou-hsien (^ ^ )p|). Chaque jour nous sommes en- veloppés d'une brume, que le soleil dissipe assez tard dans la matinée.
Chang-shou est sur la rive gauche. Ses habitants, qui paraissent actifs et industrieux, travaillent le bambou qui croît en abondance dans les vallées voisines et fabriquent des nattes et des cordages avec le chanvre des plaines. L'opium de cette localité est, à ce qu'on rapporte, très estimé des con- sommateurs. La canne à sucre, cultivée en assez grande quan- tité, est le sujet d'un traitement dans les sucreries.
Entre cette ville et Ch'ung-chmg-fu une rangée de nom- breux villages sont étages sur les collines qui bordent le fleuve. Les paysans apportent beaucoup de soins à la culture de la canne, dont le rendement est très lucratif et qui leur
32 I>E HAXKOW A CHXXG^BTIXG.
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permet, en outre, d'utQiser certains terrains impropres à la eultnre d'autres plantes. |1
La canne qui croit sur les collines riveraines, diffère de celle du sud : elle est moins grosse et n'excède pas 1", 60 I ^ de haut, le bois en est très dur, mais, d'après les cultivateurs, |^ sa production est plus abondante: elle à aussi l'avantage d'être plus robuste et peut être cultivée sur les lieux élevés.
n ne nous fallut pas moins de quaraute-'iienf jours pour franchir le trajet de 750 milles en\iron qui sépare Ch'ung- chi'ng-fu de Hankow. Cette première partie de la route accom- plie dans de bonnes conditions, la seconde, quoique phft "^ pénible, nous semblait de beaucoup simplifiée, habitués que nous étions à toutes les tribulations du voyage ; il ne s'agissait plus que d'une question de temps.
Ce ne fut pas sans émotion que nous aperçûmes pour l*^ première fois les murs de cette grande cité; nous aUioii^^ trouver là les missionnaires, nos compatriotes, et des nouveller-^=^ d'Europe dont nous étions privés depuis plusieurs semainei^^
Chung-ching-fu est une grande ville située à l'angle qu^— *e fait le Chia-ling-ho (^ |^ f^) et le Yang-tzû-chiang. Cea^t une des cités les plus populeuses du Ssû-ch'uan. Bâtie si une colline dont le massif se prolonge au loin, sesrempj crénelés viennent presque baigner dans les eaux du fleu^v^ ^^ pour suivre ensuite les sinuosités de la colline. Sa situatio^^^^ sur la rive gauche du plus grand fleuve de Chine et à l'e: bouchure d'une rivière considérable qui descend des frontièr' du Shan-hsi (|^ W) ^^ feît Tentrepôt naturel des provinc du YUn-nan^ du Kuei-chou, du Shan-hsi, du Kan-su et du Thib^^^ Toutes les grandes maisons de commerce de ces provinc^^^^ y ont des succursales et des agents chargés de la vente ^""^"^^
SÉJOUR A CirUNG-CiriNG. 33
de l'achat des produits ; elles entretiennent, de plus, des cor- respondante dans tous les ports du Hu-peh et du Chiang-su et font réchange avec les articles de Foccident.
La quantité de bateaux qui trafiquent entre cette ville et Hankow ou I-ch'ang est considérable. C'est à peu près la seule cité en amont qui soit en relation directe avec les ports ouverts aux Européens. Le climat de cette partie du Ssû- ch uan est salubre et chaud. D'après le témoignage de per- sonnes qui l'habitent depuis longtemps, la chaleur y est assez incommode ; le thermomètre monte jusqu'à 40® centigr. pen- dant les mois de juillet et d'août ; l'hiver n'est pas rigoureux, mais brumeux et humide.
Pendant la canicule, les affaires se ralentissent un peu; c'est alors, du reste, que le fleuve atteint sa limite la plus élevée. Le courant, à cette époque de l'année, est si violent et la quantité d'eau si volumineuse que peu de barques osent s'aventurer au milieu des tourbillons effroyables qui se. forment de tous côtés. Les gens assez téméraires pour affronter la fureur des éléments payent souvent de leur vie un accès d'impatience et leurs frêles embarcations sont broyées entre les rochers; chaque année le nombre des victimes est con- sidérable ainsi que le chiffre des dégâts matériels. L'impé- tuosité du courant ne se manifeste d'ordinaire qu'au moment des crues excessives et dure une quinzaine au plus. Les arma- teurs profitent de ce chômage forcé pour réparer et charger leurs bateaux, et dès que l'eau commence à baisser, ils donnent le signal du départ.
Pour donner ime idée de la difficulté que présente la na- vigation d'été jusqu'à Ch'ung-ch mg-fu, nous dirons seulement qu'un mandarin de nos amis, ayant quitté Hankow le l'''^ juillet, n'arriva dans cette dernière ville que trois mois plus tard,
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34 . DE HANKOW A CH'UNG-CH'ING.
bien qu'il eût pris, en passant à I-cirang^, la précaution dt doubler son équipage.
Ici, nous devons changer de bateaux, parce que les patrons ont de la répugnance à remonter plus haut cette partie du fleuve et que, ne la connaissant pas, ils seraient obligés de recniter, avec plus de frais, un autre personnel. La barque que nous avons louée à Kuei-chou-fu, ayant navigué dans ces parages, consent à nous suivre jusqu'à Na-ciri-hsieu
(^ ^ JS)- Qiiaiit ^ '^ seconde qui nous est nécessaire, le hasard nous en fait trouver une descendue directement de Yung-ning (^^ S^) et qui ne demande pas mieux que d'y revenir. Les marchandises transbordées, nous sommes encore retenus quelques jours à cause de certaines affaires que M. Dupuis avait à régler avec des mandarins du Kuei-chou. Nous quittons le lieu du mouillage, appelé Tai-p'ing-ch iao {-^ ^ j^) et situé sous les miu-s de la ville, le 20 décembre, à dix heures du matin. Depuis notre arrivée le temps a été brumeux et humide ; à peine avons-nous vu le soleil une fois ou deux. Ce matin, sur le fleuve, le brouillard est si épais qu'il est difficile de distûiguer un bateau à dix pas; aussi nous ne marchons qu'avec les plus grandes précautions.
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I
CHAPITRE II
ITINÉRAIRE DE CH'DNG-CH'ING
A YÛN-NAN-FU
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DE CH'UNG-CH'ING A YÛN-NAN-FU
20 décembre 1870. — Au-delà de Ch'ung - eh ing - fu , les Montagnes s'écartent progressivement et font place à des collines, au pied desquelles s'étend une plaine, fécondée par le limon qu'y dépose le débordement annuel du Yang-tzil. Le lit de ce fleuve s'élargit, et le courant, moins rapide, ne s'accélère qu'à l'approche des bancs de sable ou de galets que les crues violentes ont formés. Nous avançons lentement, franchissant, sans grands efforts, ces obstacles passagers. Les brumes épaisses qui régnent pendant la saison d'hiver retardent seules, le matin, notre appareillage. L'air est vif et humide ; mais, même aux heures les plus froides, le thermomètre n'in- dique pas moins de V centigr.
Toute cette région, favorisée par la nature, offre le plus riant aspect. La terre semble plus riche et mieux aménagée que dans les campagnes du bas Ssû-chiian (B9 j||); des arbres fruitiers de toutes espèces, des plantations de canne à sucre, des champs de colza et de moutarde, des céréales s'étagent dans les vallées; sur les rives, la culture reprend possession du sol que l'inondation abandonne en se retirant.
La première ville que nous rencontrons est Chiang-chin- hsien (*^ ^ i^); sur la rive droite du fleuve, au pied d'une
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colline couverte d'orangers, dans une situation ravissante, elle voit s'étendre sur la rive opposée une plaine d'iuie admirable fertilité. Sans commerce extérieur, elle doit l'aisance, dont semblent jouir ses habitants, aux mœurs laborieuses de ceux- ci, à la fécondité du sol et surtout au transit des marchan- dises qui descendent des districts du nord. Ses faubourgs, en partie détruits pendant l'inondation de 1869, se relèvent rapidement.
Du 23 ait 27 décembre. — Quatre jours suffisent, dans les temps ordinaire?, pour franchir les 380 lis ^ qui séparent cette ville de Ho-chiang-hsien (^ jl^ j|^).
Durant tout ce trajet, de grands villages se succèdent, bâtis, la plui)art, sur la crête de mamelons boisés et se dé- tachent sur le fond bleuâtre des montagnes, qui disparaissent dans la brume à l'horizon. A chaque pas, des sucreries, des fabriques de papier, des distilleries de vin de riz apparaissent sur les bords du fleuve; des barques y apportent à peu de frais les matières premières et chargent, en échange, les pro- duits manufacturés destinés aux escales d'amont jusqu'à Sui- fou et surtout au grand marché de Cirung-clnng. Ces deux villes forment, au reste, les deux points extrêmes desservis par cette batellerie spéciale et fort active.
La navigation devient fatigante, sinon difficile, et quand arrive le soir, nos mariniers sont bien aises, après leur frugal repas, de se reposer jusqu'au lendemain.
Nous passons la nuit à Lung-mên-t'an (|[| f^ iH)/ après avoir été contrariés par le brouillard et surtout par les bancs
* Le /« a environ 500 mètres; mais, tMon que réglementaire, sa longueur varie suivant les provinces et surtout dans celles qui sont montagneuses. 3 T^an signifie rapide.
LE RAPIDE DE LUNG-MEN. 39
nombreux qui obstinieut le chenal. Sur tout le trajet fait aujourd'hui, nous avons passé près de quelques bateaux à moitié coulés, dont les marchandises étaient étalées à sécher, résultat probable d'un choc contre quelque roche.
Ce matin, nous avons franchi le rapide de Lung-mên (jH P^), non sans peine; la différence de niveau en cet en- droit est considérable, et les rochers qui obstruent le milieu de la passe obligent les bateaux à des détours qui augmen- tent beaucoup les difficultés ; mais, grâce au concours rétribué, et dès lors toujours empressé, des riverains, nous n'avons pas eu d'accident à déplorer. Pendant la journée, un certain nombre de petits rapides, où le halage a été parfois difficile, ont re- tardé notre marche; néanmoins, nous mouillons à six heures du soir, à Pei-shan (:|(J ji|), gros village assez important.
Le fleuve, quelquefois resserré, devient très large et le courant plus faible; les bancs de sable et les roches ne se montrent plus qu'à de rares intervalles; une petite brise du nord-est nous pousse agréablement, mais il est dit que nous n'arriverons pas sans encombre : à la suite d'une fausse ma- nœuvre, notre gouvernail se brise, et nous profitons de ce contre- temps pour aller visiter des sucreries indigènes.
Le 26, deux pagodes à plusieurs étages signalent, à 20 lis en amont et en aval du fleuve, l'approche de Ho-chiang-hsien. Cette cité manufacturière renferme une population très dense, adonnée au tissage de la soie, laborieuse, afiable et hospita- lière, mais aux habitudes moins mercantiles et aux mœurs plus simples que les habitants des villes situées plus bas sur le fleuve. Elle a été fort éprouvée pendant les inonda- tions de 1868 et 1869; ses faubourgs, qui formaient environ lin tiers de la ville, ont été entièrement détruits par les eaux.
40 DE CU'UNG-CiriNG A YÛN-NAN-FU.
Le district produit, en dehors des denrées communes à tout le bassin, de l'indigo, qui s'exporte sur le marché de Chung-chuig.
Aujourd'hui 27, après bien des efforts, nous mouillons à six heures du soir à Man-t\)U (^ ^). A quatre heures, nous avons passé devant Lao-lu-chou (^ y^i ;^), qui tombe eu ruines; quelques terrassements et des pans de remparts encore debout marquent seuls l'emplacement qu'elle a oc- cupé. C'est là une des nombreuses catasti'ophes causées par l'inondation. Dans cette partie de la vallée, les montagnes se rapprochent du fleuve, dont le lit, plus étroit, est encombré de bancs de galets. D'énormes quartiers de roche le divisent en deux bras et donnent ainsi naissance à de forts courants, que nos hommes remontent avec peine. Heiu-eusement le magnifique paysage qui se déroule souij nos yeux, à mesure que nous avançons, vient faire diversion à la monotonie et aux lenteurs du voyage.
Malgré la saison avancée, une végétation abondante couvre encore la campagne, et nous éprouvons une impression de bien-être en admirant ces collines et ces montagnes que la culture a partout envahies.
28 décembre. — Lu-chou (y^ j{|), situé h l'angle d'un coude que fait le fleuve, était naguère une des cités les plus commerçantes du Ssil-chuan. Depuis une époque qu'il est difficile de préciser, une grande partie de son commerce s'est transporté à Ch'ung-ch ing, où les marchands se contentent de maintenir des comptoirs pour l'échange de leurs produits. Cette ville n'en demeure pas moins un lieu de transit fort important, et surtout im centre manufacturier, oii sont tissées
LU-CHOU. 41
toutes les soies récoltées dans cette partie de la province. On y fabrique de la passementerie en tous genres, certains articles de rubannerie dont ses artisans se sont presque fait un monopole, des étoffes de soie teintes ou écrues, recherchées sur les marchés du Hu-kuang (^ ^) et du Chiang-su ()t ^) en raison de leur bon marché ; enfin, et surtout, des costumes de théâtre aux couleurs éclatantes qu'on y confectionne mieux et à meilleur compte qu'ailleurs. Les conserves de fruits récol- tés dans les environs lui constituent également une branche de commerce assez considérable avec les localités environnantes.
Détruite en partie lors de l'inondation de 1869, ses fau- bourgs sont déjà presque relevés et le va-et-vient des porte- faix, les boutiques en plein vent, les appels des petits mar- chands qui sollicitent la clientèle, enfin le mouvement d'une population nombreuse et affairée , tout concourt à donner à ces quartiers neufs un caractère pittoresque d'animation.
A quelques jours de marche vers le nord-est, le district possède des puits artésiens à eau saumâtre, exploités active- ment par les gens du pays et qui fournissent «es grandes quantités de sel gemme qu'on exporte dans l'ouest de la pro- vince, dans le Kuei-chou (^ ;H1) ^* jusqu'à la frontière du YUn-nan. Cette industrie, comme nous l'avons déjà vu, est frappée de droits élevés, perçus par les agents du gouverne- ment sur les lieux mêmes de production.
29 décembre. — Nous quittons Lu-chou par une matinée ravissante; par extraordinaire, le soleil dore de ses rayons obliques les cimes des collines, et nos bateliers, que la per- spective de notre prochaine arrivée à destination rend tout joyeux, semblent plus vigoureux et plus alertes. Une dernière étape de GO lis nous sépare de Na-chl-hsien, où nous devons
44 DE CH'UNG-CU'ING A Y(ÎN-XAN-FU.
Les nouvelles embarcations sont plus longues et moins étroites que celles du Yang-tzû, le fond en est également plus solide afin de pouvoir les traîner sur les cailloux, et lorsque, malgré leur faible tirant d'eau, le chenal n'a pas une profondeur suffisante, un aviron, placé à l'avant, aide à évo- luer dans les passages difficiles. Nos bateliers sont tous d'avis que, malgré l'assertion des marchands que nous avons ren- contrés avant-hier, ils sont certains de passer ; cette confiance nous fait espérer que nous n'éprouverons pas de retard. Le lettré qui nous accompagne est parti hier par terre pour Yung- ning ; ayant sur nous quelques jours d'avance, il aura le temps
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de tout préparer, pour la continuation de notre voyage.
La rivière, large de 65 mètres environ à son embouchure, se rétrécit bientôt de moitié et coule encaissée entre des col- lines verdoyantes ; cependant, le courant est à peine sensible, et nous naviguons tout le jour au milieu d'un paysage des plus pittoresques et sans rencontrer un seul rapide. Les hauteurs qui nous entourent sont couronnées de fourrés de bambous presque impénétrables; dans les vallées, bien cultivées, des plantations de thé ou de pavots tranchent sur les cultures pota- gères en plein produit. Çà et là, on exploite ce bambou d'une qualité spéciale désigné sous le nom de ching-chu (^ ^), et dont on fabrique des papiers de toutes sortes que cette rivière fournit partout en grande quantité aux marchés du Yang-tztt ; aussi s'explique-t-on la sollicitude avec laquelle le paysan de ces parages favorisés sait aménager les coupes et prévenir le dépeuplement de ces forêts qui lui procurent son bien-être.
3 janvier.- — Nous quittons notre mouillage de très bonne heure; le temps est clair. Nous passons devant plusieurs villages, où tout respire le travail et le calme; des temples
RAPIDES. 45
bâtis au milieu de bouquets d'arbres et toujours fréquentés, des colonnes élevées au dieu protecteur des voyageurs, dé- notent à chaque pas, en même temps que ses penchants reli- gieux, les mœurs hospitalières de la population.
La navigation devient plus difficile : des roches pointent dans le chenal ; les hauts-fonds se succèdent fréquemment et nos barques touchent à chaque instant ; néanmoins, le courant est encore si faible que nous parcourons 80 lis dans la journée.
4 janvier. — Vers onze heures, nous pénétrons dans une gorge étroite; la rivière est tellement resserrée entre des falaises presque à pic que deux barques ont beaucoup de peine à se croiser ; dans ces passages difficiles le courant est pres- que nul. Sur le flanc des montagnes un chemin a été taillé dans le roc afin de faciliter le halage; il offre aussi une voie de communication par terre entre Na-chl-hsien et Yung-ning- hsien (^ |^ jp^). Aux difficultés sans cesse croissantes s'ajoute bientôt la rencontre de rapides, qui présentent des dénivelle- ments de 1 mètre à 1" V^; mais la nappe d'eau manquant de profondeur, et notre équipage trouvant toujours, aux moments critiques, l'aide intéressée des riverains, nous franchissons sans trop d'encombre ce mauvais pas et, vers quatre heures, nous débouchons dans ime vallée fertile, que nous suivons jusqu'à la nuit
5 janvier. — Ce matin un brouillard intense couvre la campagne; nous passons successivement plusieurs ban-ages formés par les galets que charrie l'eau à l'époque des crues et sur lesquels il faut littéralement traîner les bateaux; la rivière est presque partout à sec et, d'après ce que disait hier notre chef d'équipage, il est à craindre qu'elle ne descende
48 DE CH'UNG-CH'ING A YtÎN-NAN-FU.
en attendant le départ ; 105 charges sont déjà prêtes, il nous manque encore 10 à 15 bêtes et un certain nombre de coolies pour prendre le restant, mais comme nos gens ont traité à forfait pour un voyage de vingt-deux jours, les chefs veulent se mettre en route. Il est alors décidé que nous les suivrons en compagnie de Tch êng \ et de deux domestiques ; M. Du- puis et le lettré Wang formeront Tarrière-garde à quelques jours de distance. Les muletiers cliaussent leurs grosses bottes ferrées et imperméables ; les porteurs attachent aux talons de leurs sandales une sorte de crampon à deux pointes, qui leur permettra d'avancer d'un pied ferme sur les pentes glissantes; on nous amène nos chevaux de selle et des chaises à porteurs. Enfin, en cas d'accident, après un déjeûner aussi copieux que les ressources du pays le comportent, nous donnons le signal du départ.
Yimg-ning-hsien, que nous quittons, est une sous-préfecture populeuse, située au centre d'une vallée assez riche ; elle sert d'entrepôt aux marchandises qui arrivent des provinces du Kuei-chou et du Yîln-nan. La petite rivière que nous avons remontée depuis Na-chl-hsien, la divise en deux parties : celle de droite est habitée par les indigènes et les marchands du Kuei-chou ; l'autre, la plus importante, comprend la cité murée et ses faubourgs où se traitent à peu près toutes les tran- sactions commerciales. Plusieurs ponts mettent en communi- cation ces divers quartiers.
Avant que la frontière du Ssû-ch'uan ne fût reculée jusqu'au Chlh-shui-ho (^ ;fc jf^*), la rive droite de cette rivière était considérée comme appartenant au territoire du Kuei-chou
* Ce mandarin en disponibilité, n'osant faire le voyage tout seul, profita de notre compagnie pour aller au YHn-nan voir son beau-père, qui était à ce moment Cliili-cliou (sous-préfet) û An-uiug-chou, ville située à 70 lis de la capitale.
YUNG-NING-nSIEN. 49
et administrée i)ar un mandarin, dont les agents prélevaient des droits snr toutes les provenances de la rive opposée.
Yung-ning-hsien ahrite sous ses murs une population flot- tante considérable ; des milliers de chevaux et de mulets vont et viennent dans toutes les directions. H faut également compter par milliers les coolies qui ti'ansportent les marchan- dises trop fragiles ou trop encombrantes pour être confiées aux muletiers. Originaires de 1*^ partie montagneuse du pays, de plus haute taille et plus vigourti^x que leurs compatriotes de la plaine, ces porteurs préfèrent au travail sédentaire la pénible besogne qui leur assure de meilleurs profits et sur- tout une existence en plein air, nomade et insouciante. On les rencontre dans tout le nord-ouest du Kuei-chou et jusque dans le Yîin-nan, où ils apportent la porcelaine de la manu- facture impériale de Ching-te-chên (^ ^ ^) et prennent en retour du thé de P\i-êrh (^ );^), si estimé sur les mar- chés du centre comme drogue pharmaceutique. C'est par leur intermédiaire que les districts de Pi-chieh-hsien (^ |jî Ap^), de Wei-ning-chou (j^ ^ ^) et les villages de l'intérieur reçoivent leurs approvisionnements de sel de Lu-chou et ex- pédient en échange des produits pharmaceutiques ainsi que du plomb, tiré des mines de galène argentifère que possèdent ces parages.
Au sortir de la ville, la grande route dallée suit, pendant quelques kilomètres, les berges de la rivière, transformée en un torrent, dont les eaux transparentes sautent de roche en roche en bouillonnant avant de s'engager dans le chenal de la plaine; puis, cette route s'élève i)ar une suite de détours sur le flanc de montagnes escarpées. H pleut depuis le matin; nos chevaux trébuchent sur le granit humide devenu presque impraticable, et la chaussée longe parfois des ra^^ns profonds
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50 DE CHTNG-CU'ING A YON-NAN-FU.
qui forcent le convoi à ne s'avancer qu'avec d'extrêmes pré- cautions; à mi-côte, nous sommes enveloppés par un brouil- lard épais chassé vers le sud avec une grande rapidité. Au milieu des vallées qu'on aperçoit se groupent des hameaux. Arrivés au sommet, nous ne tardons pas à descendre une pente très dure, rendue plus pénible encore par l'eau qui ruisselle sur son parcours. C'est un ti-iste début de voyage. Vers deux heures, ncms rejoignons nos piétons qui fléchissent sous le poids des caisses qu'ils ont entrepris de porter à dos ; nous les dépassons en autorisant le chef à prendre du ren- fort à la première halte.
n est près de six heures lorsque nous arrivons à Shun- chhig (jlg J^), mais ce village étant envahi par un déta- chement de troupes revenant du Kuei-chou, nous sommes réduits à continuer notre marche, malgré la nuit close, et de pousser jusqu'à P'u-shih (^ rfï)? ^^ ^^^ muletiers nous ont précédés. Notre troupe est en complet désarroi ; derrière nous, les coolies pataugent encore avec les bagages dans les sen- tiers de la montagne, en compagnie, hélas ! de notre cuisinier. Ce village, de même que le précédent, est encombré de sol- dats et de voyageurs ; néanmoins nous parvenons à nous in- staller dans une des huttes en paille qui sont les constnictions ordinaires de cette région peu fréquentée. Rien de misérable comme ces taudis : l'hôte ne fournit que le riz, le combustible et un abri. Aussi quel dîner! du riz de couleur douteuse, quelques œufs et im poulet étique obtenu à grand'peine, composent notre maigre repas. Dans un coin d'une saleté repoussante, trois planches sont posées à plat sur des banc^s et garnies d'une vieUle natte : ce sont les lits; on peut s'y étendre, mais non goûter le repos, car, en dépit de la toile cirée qui a été mise pour préserver la literie du contact de
ROUTE PAR TERRE, FU-SHIH. 51
la natte, nous sommes constamment tenus sur le qui vive par toutes sortes d'insectes parasites qui grouillent dans ces lieux.
Vers minuit, Tarrivée du cuisinier et les plaintes des do- mestiques qui nous ont accompagnés, nous forcent à nous mettre sur pied ; hoys et coolies ont été pris de vomissements et geignent à qui mieux mieux. Après enquête, Tliôte nous apprend que, voulant sans doute se dédommager des fatigues de cette rude joiu-née, nos compagnons ont trop copieusement assaisonné leur cuisine d'huile du pays, tung-yu* (J^ y^) dont ils ignoraient les effets, et ils éprouvent quelque temps toutes les souffrances d'un empoisonnement.
8 janvier. — A l'aube, notre convoi s'ébranle; après la mésaventure d'hier, nous jugeons prudent de surv^eiller les préparatifs de départ afin de nous assurer que chacun a repris sa place dans les rangs. A la tête s'avancent nos petits chevaux du Kuei-chou, si vifs et si dociles, par détachements de quinze à vingt; chaque troupe est précédée d'un étalon plus vigoureux, la tête ornée de deux grosses queues de renard pendantes, le fronteaii rehaussé d'une bande de calicot rouge en guise de cocarde et, à chaque oreille, d'une longue plume de faisan qui ondule à chaque pas; un grand cojlier de grelots de toutes dimensions fixé au bât et descendant jusque sur le poitrail complète sa parure. Cette espèce de chef de file, marchant d'un pas relevé, s'anime au tintement des grelots qu'il agite et règle ainsi l'allure du convoi. Sur les flancs de la colonne se tient le L^o-pan, promenant sans cesse autour de lui l'œil du maître et gourmandant ses con- ducteurs ; chacun de ceux-ci a cinq chevaux ou mulets sous
* Hnîle extraite de l'arbre Elasococca vemicifera, qui abonde dans les bas-fonds
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52 DE CH'UNG-CU'ING A YÛN-NAN-FU.
sa surveillance. Des pavillons triangulaires en cotonnade jaune, avec des inscriptions chinoises indiquant que tout ce qu'ils couvrent, est la propriété de S. E. le vice-roî du Yun- nan, sont plantés au sommet des bâts de charge et ajoutent encore à l'effet pittoresque de l'ensemble de notre caravane. A l'aiTière-gardc , les coolies portent aujourd'hui gaillardement et deux à deux, à la façon ordinaire, les caisses sous les- quelles ils succombaient au départ de Yung-ning-hsien. Après le défilé qui dure bien un quart d'heure, nous nous engageons dans une vallée pour regagner bientôt les hauteurs.
Il tombe une pluie fine, une sorte de brouillard condensé. Durant toute l'étape, la route s'élève de plus en plus en traversant une série de collines qui s'étagent en gradins suc- cessifs dans la direction ouest-sud-ouest; la voie est difficile et glissante, les montées sont fréquentes et raides. Le pays environnant est aride et monotone, noyé dans le brouiUard et presque désert; à peine renconti'c-t-on, à de rares inter- valles, quelques cabanes au centre des défrichements restreints où croissent péniblement le maïs, le sarrasin, la pomme de terre et, dans les bas-fonds, une espèce de riz rouge de qua- lité inférieure, mais d'un assez bon rendement.
Vers le milieu du jour, les Lao-pan choisissent pour lieu de halte les bords d'un cours d'eau où l'herbe est plus abon- dante et laissent les chevaux, débarrassés de leurs charges, paîti-e en liberté pendant ime heure. Tandis qu'un des mule- tiers prépare le riz, ses camarades inspectent les harnais et réparent les avaries qui s'y sont produites durant la marche. Ces muletiers sont, du reste, infatigables; qu'ime de leurs bêtes boîte ou s'abatte, qu'un fer ou que quelques clous se détachent, aussitôt ils déchargent l'animal et réparent l'accident avec une nlextérité singulière. Ils ont toujours par équipe
WU-LI-FAN. 53
un cheval de rechange, monté d'ordinaire par le chef, mais toujours prêt à prendre une charge s'il survenait un accident.
Leur frugal repas terminé, un des hommes (on choisit d'ha- bitude le meilleur marcheur) prend les devants de façon à avoir le temps de faire préparer les écuiîes à la station sui- vante et aussi pour obvier à l'inconvénient d'y trouver tout encombré, ce qui arrive bien souvent. Arrivés au terme de rétape, le pansement de leurs bêtes les retient encore debout une partie de la nuit. Il est impossible de trouver des ser- \iteurs plus vigoureux, plus dociles et mieux disciplinés.
Toutes les hautes vallées que nous traversons, renferment de nombreux gisements de houille, exploités à fleur de terre par les indigènes. Chaque famille ouvre une ou plusieurs galeries, dont la profondeur n'excède pas 70 mètres; parfois, si le charbon e«t de qualité supérieure et si l'extraction en est facile, plusieurs familles s'associent ensemble et continuent les travaux jusqu'à 150 à 200 mètres, mais sans jamais dé- passer cette limite extrême. Le combustible que fournissent ces exploitations tout à fait primitives est consommé par les montagnards ou transporté par eux sur le marché de Yung- ning-hsien. ^
A cinq heures, nous arrivons au village de Wu-li-fan (^ H^ m), abrité, comme P\i-shih au fond d'une vallée étroite et d'im aspect aussi pauvre. Nous trouvons là le mule- tier qui nous avait précédé.
9 janvier. — Nos muletiers annoncent une journée fort rude. Dè« la première heure, nous avons à franchir, sous une pluie battante, une série d'escarpements rapides et pres- que impraticables à cause des dalles usées et glissantes qui continuent à former la chaussée. Après trois heures d'une
54 DE CirUNG-CiriNG A YCN-N^VN-FU.
ascension presque continue, nous arrivons au pied de Hstieh- shan-kuan (^ Ul iS)? P^î^^* culminant du massif; la route en lacet ouverte dans les parois à pic s'engage sur le« flancs de la montagne et est bordée de précipices au fond desquels grondent des torrents qui descendent du sommet. Nos hommes se serrent contre leurs chevaux et ne marchent plus qu'avec des précautions extrêmes. A mesure que nous avançons, un brouillard ci)ais nous aveugle et nous n'entrevoyons que par échappées le danger que nous côtoyons; impossible de se tenir en selle. Il faudra encore deux heures de marche anxieuse et harassante avant de gagner la brèche qui donne accès sur le versant opposé. Enfin, après mUle peines, nous aiTivons près d'un temple taillé dans le roc et dédié au génie protecteur de la montagne ; nos chefs s'approchent de Tautd et sacrifient chacun un jeune coq qu'ils ont apporté à cet effet de Wu-li-t'an, notre dernière étape. La cérémonie de l'offrande est sans doute purement symbolique, car, après avoir versé le sang des volatiles et en avoir arraché quelques plumes, nos prudents sacrificateurs emportent leurs victimes, dont ils souperont ce soir. Il est vrai qu'en guise de com- pensation, ils donnent quelques sapèques aux bonzes gardiens de ce saint lieu.
Devant nous, aussi loin que la vue peut s'étendre, appa- raissent des montagnes aux formes plus régulières et moins abruptes. A nos pieds coule, au milieu des détoiu's de la vallée, le Cirili-shui-ho (^ ^Jc |f^), rivière qui sert de fron- tière aux provinces du Kuei-cliou et du Ssû-ciruan. Sur une colline de la rive gauche nous distinguons les mines d'un village fortifié. La descente est relativement facile, les rayons blafards du soleil remplacent le brouillard de l'autre versant; la température devient à cliaque instant plus douce. A mi-côte
ciriii-suui-HO. 55
nous trouvons des camélias sauvages en pleine floraison et çà et là des églantiers bordent la route ; plus bas des i)lantatîons à' Ekeococcas y des céréales et même des orangers, domient un air de gaîté au paysage, si monotone sur le versant que nous venons de quitter. Un bac est établi sur la petite rivière, à peine large de 30 mètres. Les chevaux, débarrassés de leurs fardeaux, passent d'abord, ensuite les marchandises, puis les voyageas. Comme ces opérations de transbordement ne laissent pas d'être longues et entraîneraient des retards au début de l'ébipe, il est d'usage d'effectuer le passage dans la soirée, de telle sorte qu'on couche sur la rive droite en venant du Ssû-chuan et sur la rive gauche lorsqu'on arrive du Kuei-chou.
La vallée, assez fei*tile, nourrissait naguère une population nombreuse, active et laborieuse. Mais diu'ant la guerre civile que le Kuei-chou (le nord-ouest en particulier) a eu à soutenir contre les Miao-tzû (|jj -^), les habitants de ces cantons ont été dispersés, tués ou emmenés par leurs persé- cuteurs. Aussi les bras manquent-ils aujoiu'd'hui pour reprendre les cultures depuis longtemps délaissées.
Le village de Ch ili-shui (|jj^ ^fc), où nous passons la nuit, n'est, à proprement parler, qu'un amas de décombres; on voit que l'invasion a exercé plus de ravages que sm* la rive op- posée ; hommes et femmes sont à peine couverts de guenilles, et les enfants vont tout nus. Tous ces pauvres hères vivent du peu qu'ils récoltent et du passage des voyageurs. Accrou- pis tout le long du jour autoiu- de foyers qu'ils entretiennent presque sans dépense, ils laissent les terres en friche, atten- dant sans doute le moment où ils seront assez nombreux pour repousser les maraudeurs. Leur dénuement est si profond que c'est avec la plus grande difficulté que nous pouvons nous
iVi
56 DE CirUNG CiriNG A YUN-NAN-FU
procurer un poulet qu'il faut payer 1000 sapèques (4 fr. 50 c.). Nos domestiques qui croyaient trouver du riz, se voient forcés de partager celui des muletiers.
// janvier. — Ce matin, nous allons chevaucher sur le territoire du Kuei-chou qui, d'après les Chinois, est aussi le pays des brouillards; il fait à peine jour que nos apprêts sont terminés, et c'est avec un certain soulagement que nous quittons ces parages nihospitaliers. La route est relativement facile pendant la montée; les dalles ont dispara de la voie, ce qui rend la marche moins pénible. Comme chaque jour, un brouillard intense se transformant en pluie fine vers midi, règne siu- les hauteurs. Nous arrivons sur un plateau dont la végétation est très active; à droite et à gauche, des l>oi8 de chênes, de saphis et d'autres essences d'arbres couvrent les collines basses; en bien des endroits la route est pres- que envahie par la végétation, mais, à la descente, nous re- trouvons la chaussée pavée ; elle serpente au milieu de hauteurs très ravinées. Dans le fond, la présence du fer se manifestât de différents côtés par l'épaisse couche de rouille que les petits cours d'eau et les sources déposent sur leur parcours. Toute la région est à peu près inculte et déserte ; de loin en loin nous rencontrons sur la route une mauvaise hutte en paille, près de laquelle croissent quelques plantes potagères.
Nous faisons halte, à cinq heures et demie, à Wan-li-pu
12 et 13 janvier. — L'étape ne doit être que de 40 lis, aussi avons-nous résolu de gagner d'une seule traite Pi-chieh (^ f jî), la première sous-préfecture faisant partie du Kuei- chou et ou il sera facile de nous ravitailler. Après avoir
PA-TSE-P'ING. 57
dépassé Pa-tsê-p'ing (B j^ i^), il nous est donné pour la première fois de voir des Miao-tzû (|jj -^) en coshime na- tional. Un homme et une femme passent à côté de nous et quittent peu après la grand'route pour s'enfoncer dans un sentier qui les conduit sans doute à leur village ; ils marchent d'un pas rapide mais ferme, leur regard est vif et dur, leur taille petite, mais ils paraissent robustes. La femme, jeune encore, a des traits fort réguliers et une physionomie sym- pathique, elle porte un enfant attaché sur son dos par une ceinture de toile, de grandes boucles d'argent se balancent à ses oreilles. Les hommes et les femmes se coiffent à peu près de la même manière : ils ramènent tous leurs longs cheveux sur la nuque et les tortillent en forme de chignon; la plupart du temps les hommes se couvrent la tête de turbans à couleurs voyantes ou d'un petit chapeau pointu. L'accou- trement des femmes consiste en un court jupon en toile et en une petite casaque de même étoffe ; celui des hommes, en une blouse en toile serrée à la ceinture et qui descend jus- qu'aux genoux. Us portent les uns et les autres des sandales de paille pour chaussures et ignorent l'usage des bas.
Le pays, jusque là stérile et désolé, prend un aspect plus riant et tout annonce l'approche d'une ville. La population, moins clair semée, paraît plus active, possède des rizières, des jardins potagers assez bien entretenus et se livre à l'élève des bestiaux et de la volaille; elle ajoute à ces ressources la vente d'articles de vannerie qu'elle fabrique pendant la morte saison, la préparation du charbon de bois et l'exploita- tion des gisements de houille. Sur les lieux d'extraction de la houille on fabrique avec les débris une sorte de coke ob- tenu au moyen des mêmes procédés que le charbon de bois, c'est-à-dire eA disposant au fond d'une fosse des couches de
58 DE CH'UxNG-CiriXG A YCN-NAN-FU.
combustible dans lesquelles des ouvertures sont ménagées que Ton recouvre de terre lorsque le remplissage est terminé^ -
Nous marchons entre de hautes montagnes aux flancs dfc-' nudés, puis après avoir gravi un mamelon où se dress^^ luie pierre conimémorative de la prise de Chii-kung-ching (Hl ^ ^) par Tsên Yu-ying (J^ ^ ^), gouverneur diT Yiin-nan en 1867, nous apercevons dans la brume les rem- parts de la cité baignés par une i)etite rivière qui arrose la vallée, contourne les collines et s'engouflfre, à quelques lis plus loin, dans une anfractuosité de la montagne pour reparaître a quelques lieues de là au milieu d'une plaine fertile.
La ville de Pi-chieh est située entre des collines,' au centre d'un paysage sévère et d'un aspect original. Sa population n'est pas importante, mais elle semble fort industrieuse. L'im- portation des tissus de coton et de laine en tous genres, du sel et de manit autre objet de consommation, en un mot, tout le commerce extérieur s'y trouve entre les mains de gens du Kiang-si, du Ssù-ch uan et même de négociants de Canton, qui reçoivent leurs produits de cette dernière province. Les indigènes s'adonnent plus spécialement à la petite industrie et se contentent des profits de main d'œuvre.
Pi-chieh doit à un trafic singulier la réputation d'assez mauvais aloi qu'elle s'est faite parmi les provinces limitrophes. C'est là que s'arrêtent les mandarins ou les voyageurs en quête d'une seconde, voire d'une troisième épouse. Après le départ des bandes rebelles, le malheur des temps contraignit un certain nombre de paysans à se sépai-er de leurs filles à
« District situé au sud-est de la ville de IM-chieh. Aux Miao-tza qui Thabitcnt étaient venus se joindre des Man-tzU (^ ^y niontagnartls du Liang-shan (^ LU)» ^*» ensemble, ils avaient réussi à s'emparer de (luelques fortes iKtôîtioos et menaçaient Pi-chieh.
\esLiOL:K deniers comptants; puis, la misère continuant, Tusage 'établit dans les familles de se défaire ainsi des bouches iiiitiles, et peu à peu cette ville est devenue ce qu'on pourrait appeler i)ar euphémisme la grande agence matrimoniale du jay s. Des maisons particulières reçoivent les jeunes filles aux- qae^llcs, la plupart du temps, leurs familles, quoique malheu- r^TLses, n'ont pas manqué de mettre les pieds à la torture dans l'espoir de leur procurer un parti avantageux. Tandis qvie les matrones les hébergent, les parents s'occupent de leur placement et traitent avec l'acquéreur, le tout moyennant une commission dont les termes sont fort modérés. Notre ami Chêng, qui nous transmet ces détails avec le plus grand sérieux, parait assez enclm à profiter de la circonstance pour se pourvoir lui-même; mais au dernier moment reculerait-il devant la dépense ou bien songerait-il qu'un marché semblable ne se conclut pas sans mûre réflexion et qu'il y aurait danger à fixer son choix au pied levé? Toujours est-il que notre brave compagnon rentre seul le soir au logis sans faire d'al- lusion nouvelle à cette fantaisie.
Non loin de la ville, au milieu de collines bien cultivées sont établis des Miao-tzû, qui vivent de fruits, de sarrasin, de maïs et de pommes de terre; ils ne récoltent pas le riz en quantité suffisante pour en faire la base de leur alimen- tation et ils préfèrent le vendre pour la consommation des citadins. Actifs et vigoureux, ils entretiennent avec grand soin les forêts d'où ils retirent les bois de construction né- cessaires au district ; ils exploitent aussi avec beaucoup d'activité des gisements assez productifs de galène argen- tifère, mais le manque d'argent et la crainte d'être volés ne leur permet pas de donner à cette industrie plus d'ex- tension.
Au sortir de la ville, une marche de quelques heures a conduit au village de Kao-shan-p'u ("j^ \i\ ^), bâti sur éminence au centre d'une exploitation de houille en pie activité.
14 janvier. — Le mauvais temps semble nous accorcE quelque répit; la route est passable, et nous cheminons sa trop de fatigue au milieu de collines de formes conique =^ élancées comme des aiguilles et boisées jusqu'à leur sommes ^ Çà et là, dans les bas-fonds, des terrains ont été défrich^^ par les Miao-tzû ou par les montagnards chinois, des masur^^ sont élevées à proximité de la route et servent d'abri prcn^ visoire aux époques de mise en culture et de récolte ; maS^ - les villages sont toujours placés sur les hauteurs isolées ^ ^ sont entourés d'un système de défense capable d'arrêter le^ maraudeurs et de protéger les troupeaux contre les nombreux: léopards^ (^ •^) qui infestent les environs. Le gibier d^ toutes sortes abonde dans cette région, et quelques heures de chasse en suivant le convoi nous permettent de faire une provision de faisans, d'outardes et de chevreuils, à la plus grande joie générale, car ce soir notre personnel se promet de profiter de l'aubaine. Ces détails ont leur importance pour des gens privés de leurs provisions presque dès lé début du voyage et réduits depuis cinq jours à la portion congrue.
16 janvier. — Ce matin, nous avons quitté Sa-na-chi (?S ^ ^) P^^ ^^ temps couvert et froid, mais, par ex- ception, sans brouillard. Ce village, construit sur le côté droit de la route conduisant au Yun-nan, est assez insigni- fiant; une partie de ses maisons conservées en assez bon
' Pao-tzû.
SA-NA-Cffl. 61
état dénotent suffisamment que la rébellion y a fait moins de ravages que dans les passages stratégiques; les habitants en petit nombre, il est vrai, sont, comme le ïeste des mon- tagnards, travailleurs, doux et hospitaliers; la moitié des maiBons sont disposées pour recevoir les chevaux qui vont et viennent sans cesse par cette voie. Situé dans un endroit très pittoresque, ce village voit se développer* entre une suite de collines boisées, des vallons où Ton cultive le riz ^t d'autres céréales.
L'étape est fort courte et la route assez monotone, sauf
'es accidents de terrain inséparables d'un pays de montagnes.
*-n descendant sur le versant occidental, nous passons devant
^^ nombreuses ruines. Parmi les pierres des temples et des
P^iifi de murs noircis par l'incendie, quelques malheureux,
^«^i.^és par les bandes, sont revenus prendre possession de
. ^^riï^s petits héritages et ont construit des cahutes en paille
P^i^^ï* se garanth-, tant bien que mal, contre les intempéries
de& saisons. A onze heures, nous arrivons, par une descente
en 2sigzags, au bord d'une rivière encaissée entre des mon-
tBSxies : c'est un affluent du Chin-sha-chiang (^ ^ ^). Un
^Tit de pierre à trois arches, mesurant à peu près 70 nièti-es
^ longueur, est le seul ouvrage d'art qu'on trouve sur ce
^Tcours; plus nous avançons, plus les gisements métallur-
^ques se multiplient. L'oxyde de fer se présente dans bien
des endroits, et, non loin de la route, une mine de galène
argentifère, jadis très productive, est abandonnée faute de
ressources.
Nous entrons à P mg-shan-p'u (^ jjj ^) à quatre heures.
IQ janvier. — Il règne un froid intense sur les hauteurs; le plateau que nous suivons est fort ondulé et le brouillard
62 DE CHTNG-Cn'ING A YÛN-NAN-FU.
s'y cristallise en tombant. La nature a revêtu sa parure d'hiver : l'herbe, les buissons, les arbustes, toute la végéta- tion est recouverte d'une mince couche de grésil, et aux: branches des arbres sont suspendues de fines stalactites de trois à quatre pouces de long. Malgré les fourrures qmî nous préservent du froid, il est impossible de rester à cheval 5 la chaussée est glissante et difficile. Bientôt pourtant nou^ passons dans une zone moins rigoureuse et la dernière partie de l'étape s'opère le long d'un sinueux coui's d'eau, et enfirm nous débouchons par le travers d'une plaine, parsemée de villages, la plus vaste et la plus féconde de celles que nous ayons traversées depuis Yung-ning.
Quelques jours avant notre arrivée, ce petit pays avait été le théâtre d'un vol audacieux, commis en plein jour, par des bandes de maraudeurs, au préjudice de deux délégués du vice-roi du Yttn-nan qui retournaient dans leur province accompagnant un convoi d'argent de 60,000 taëls (environ 450,000 francs). Ces derniers furent assassinés par les mal- faiteurs qui emmenèrent ensuite, sous les yeux des villagc^i^ terrifiés, les chevaux chargés du précieux butin. Les rechercbe^^ du mandarin du district n'avaient abouti, lors de notre passage- à aucun résultat favorable pour l'arrestation des coupable^ Aussi comprend-on que les exploits des voleurs défraient 1^^' propos de nos hommes pendant la soirée que nous passor^ au hameau de Chi-chia-wan (j^ ^ jg).
17 janvier. — Quoique la plaine où nous sommes SO' encaissée entre des montagnes, on a été obligé, pour eo battre le froid et l'humidité, d'entretenir de grands feu^ pendant la nuit. Le charbon est, du reste, partout à flea de terre, et il suffit de quelques coups de pioche poi^
renouveler la provision quotidienne. Dans ces régions de pluie et de brouillard une telle abondance de combustible est un véritable bienfait pour la population et les voyageurs, car, après une fatiguante journée de marclie, on est bien ai»e de trouver un foyer pour sécher ses vêtements imprégnés d'eau.
Au sortir du hameau, qui se compose de quelques cabanes
en i>aîlle, le chemin s'enfonce dans une gorge étroite; des
géodes et des roches gigantesques, détachées de la masse
par quelque convulsion souterraine, en encombrent l'accès à
Vouest Au pied des montagnes, entre des falaises presque
verticales qu'on dirait taillées de la main des hommes, coule
paisiblement un ruisseau qui s'engouffre plus loin avec fracas
dans une excavation, où il disparaît.
La montée est pénible à mi-côte, une pluie glaciale nous
cïiveloppe et, malgré nos chaussures ferrées, il devient à
chaque instant plus difficile d'avancer. A peu de distance
"^ plateau, nous rencontrons les cadavi-es raidis de deux
P^ït:efaix que la nuit a surpris au milieu de ces affreux
parages. Le chêne nain et d'autres arbrisseaux couvrent les
'Montagnes, le bois mort pourrit partout; cependant les indi-
S^nes préfèrent brûler du charbon qui est un peu sulfureux,
^aîs ne fait pas de fumée et surtout n'exige pas d'entretien
^t ne coûte guère plus que la peine de le prendre.
Notre descente s'effectue par une rampe très rapide. Dans ^*ii fond rocailleux, un torrent sort du pied de la montagne, ^t à gauche, dans un renfoncement, se trouve le village de Ta-ch lao ' (^ ;j|g), d'aspect tout à fait misérable ; il est ™bîté seulement par quelques familles et situé près d'une exploitation de galène argentifère, où l'or se rencontre égale-
^ hameau est aussi appelé Hsin - clf iao (jSj ^Ifë}'
64 DE CH'UNG-CiriNG A YÛN-NAN-FU.
ment; quatre galeries ouvertes sur le côté droit sont aban- données depuis le passage des bandes de maraudeui*s, les ouvriers manquent, et ceux qui restent se bornent au lavage des terres. Quoique fait sur une petite échelle, ce procédé donne de bons résultats; le fourneau et le soufflet sont dis- posés à cent mètres de là, au bord du torrent qui leur sert de moteur. Le plomb qui pro\ient de ce traitement est vendu en partie à l'état de litharge; l'autre partie, mise en sau- mons, est portée jusqu'à Yung-ning à dos de mulet ou par des coolies.
Après une halte d'une heure pour faire reposer les chevaux, nous nous dirigeons vers Hêng-shui-fang (;|^ ;|c ^\ et nous y passons la nuit.
18 janvier. — Ce village, composé d'une seule rue dont les maisons bordent chaque côté de la route, est habité par soixante-dix à soixante-quinze familles. L'hôtellerie en est confortable si on la compare aux réduite infects où nous avons logé jusqu'ici; la vie y est plus active, la population plus industrieuse, symptômes qui en tous pays dénotent le voisinage d'une ville.
La portion de route qui nous sépare encore de Wei-nmg
(jS ^) ^®* ^^^ P^^^ mauvaises; les montées et les des- centes sont fort pénibles; par-ci par-là, quelques \illages aux toits couverts de chaume donnent de l'animation au paysage. Aujourd'hui, comme chaque jour précédent, nous croisons des convois, dont les muletiers échangent des com- pliments avec les nôtres et s'mterrogent réciproquement sur les conditions de leur engagement.
Ici, la nature du sol change : les pics, indices de sou- lèvements volcaniques, font place à des massifs qui se relient
WEI-NING-CHOU. 65
entre eux ; le granit coloré et un peu de marbre se montrent sur les hauteurs.
Le ciel, couvert à notre départ, se dégage peu à peu et le soleil ne tarde pas à nous gratifier de son doux éclat; sur le plateau, de grandes mares oîi s'accumulent les eaux de pluie servent d'abreuvoirs aux chevaux et aux troupeaux qui passent dans les environs. Nous apercevons bientôt les eaux bleuâtres du lac de Wei-ning, sillonné de nombreuses barques aux voiles blanches; les abords de la ville sont signalés par des cultures qui s'avancent jusque dans les mon- tagnes. Là oîi l'herbe est encore verte, des pâtres gardent des ti'oupeaux de chèvres et de moutons ; des enfants, montés sur des buffles, descendent, au pas lent et cadencé de leurs montures, les collines d'où l'on domine la ville. Nous y arrivons à trois heures.
19 janvier. — Wei-ning-chou (^ ^ »f»|»|) est le point le plus élevé qu'on atteigne pendant les onze jours de marche qui la séparent de Yung-ning ; c'est juste la moitié du trajet pour aller à YUn-nan-fu.
Bâtie sur une légère émînence, Wei-ning-chou domine plusieurs vallons cultivés autant que le permet la température de ces régions élevées. Ses remparts suivent les sinuosités de la colline et baignent à l'ouest dans les eaux du lac. L'intérieur offre un aspect paisible et monotone, et la popu- lation, composée, en dehors des Chinois natifs du pays, d'individus de toutes les provinces, semble vivre en bonne intelligence avec les Miao-tzû et quelques I-jên (^ ^), qui peuplent les montagnes. Ses faubourgs, peu étendues, donnent asile à la population flottante, que son genre de travail oblige à être sur pied à toute heure de la nuit.
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68 I>K CH'UNd-CiriNC; A YtN-XAX-FU.
(le la niontagfiie de Mo-kou ("^ ^); de ce côté, la rébellion nmsulmaiie n'ayant pas perniîft aux mandarins d'entretenir la voie, toute trace de chaussée dallée disparait, et nos chevaux avancent d'un pas jdus sûr et plus rapide. Après avoir atteint le jdateau, nous contournons les conti'eforts du massif raviné du Lianjç-shan (^ \\\ ), dont les pics élevés se pro- filent à riiorizon du nord au sud-est. Le pays que nous traversons a rasj)ect sévère et j^arde l'empreinte profonde des convulsions violentes qui l'ont assailli.
Partout se montrent des affleurements de gi'ès très friable, rouge, vert ou violet, et le sol recèle de nombreux ^sements métallurjiciques oii le cuivre domine. La route est large, nuiis accidentée et pénible jusqu'à la couchée.
:il janvier. — Tan-tan (^ ^), où nous passons la nuit est^bati en amiihithéâtre, sur le versant d'une colline, au ccnifluent de deux ruisseaux, qui descendent des hautes mon- tagnes dont ce district est entouré et qui ti'ouvent vers l'est une issue commune. (ï^ village sans importance entretient cependant un mandarin* chargé de la surveillance des mines et de la justice civile. Une grande partie des habitants sont musulmans.
Sur ))resque toutes les ramifications que présente la chaîne du Liang-shan, il y a des hameaux j)euplés de musulmans, auxquels se mêlent rarement les I-jén (|| ^) ou naturels de ces montagnes. Malgré la présence de trois races dis- tinctes. Chinois, Musulmans et I-jén, la rébellion musulmane n'a compté en cet endroit que de rares adhérents, et durant les dix-sept ans de guerre civile, la paix n'a cessé d'y régner.
' Fonctionnaire infêrienr, du neuvième ranfc, :*e('ond ordre ( ^ISt ^T ).
HSOAN-WEI-CHOU. 69
L'industrie minière du district est assez active ; des galeries d'extraction fournissent des échantillons de minerai de cuivre de diverses qualités, tels que le minerai panaché gris et l'oxyde de cuivi-e; ce dernier surtout est en grande abon- dance, mais d'un rendement bien inférieur au premier. Deux autres gisements de minerai sulfuré, autrefois exploités, sont aujourd'hui à peu près abandonnés.
22 janvier. — Au sortir de Tan-tan, on suit, dans la direction du nord-ouest, le cours d'un ruisseau jusqu'à sa source avant d'escalader des hauteurs. Sur le plateau qui domine la vallée de HsUan-wei-chou (^ ;^ jtl)î ^^s mon- tages sont moins abruptes; des hameaux bâtis en pisé et à couvertures de chaume, sont à moitié enfouis parmi les noyers et les noisetiers qui les entourent ; de vastes champs de maïs et de pommes de terre couvrent le versant des collines, et dans les déclivités de terrain jaillissent des sources, que le paysan utilise pour ses rizières.
La nature du sol change sensiblement; on retrouve la zone houillère parmi les cultures en plein rapport; cette houille, bien différente de celle que produit le Kuei-chou, est très grasse, mais peu employée par les indigènes à cause de la fumée excessive qui s'en dégage. Un certain minerai que les indigènes nomment Imang-hua^ (^ :fÊ), est expédié à dos de mulet jusqu'au Ssû-ch'uan et par eau jusqu'à Ching-te-chên (^ ^ ^), dans la province du Chiang-hsi iJJL BS); là, il est acheté par la manufacture impériale pour fabriquer les couleurs qui servent à peindre la porcelaine.
> Ce minerai n'est autre que du sel de plomb à l'état naturel-, on s'en sert dans la peinture sur porcelaine. Cette branche de commerce est entre les mains des Chinois de la province du Chiang-hsi.
70 DE CH'UXG^iriNr; a YfN-X.\N-FU.
Plus on avance, plus la culture devient active: bi nou.s rencontrons des chariots attelés de bœufs ou de bu et malgré leur imperfection, nos yeux se portent avec p sur ces véhicules primitifs, les premiers que nous v( depuis que nous avons quitté les ports ouverts au comr européen. Les roues de ces chariots sont pleines, r( ensemble par un essieu en bois et tout simplement for d'un assemblage de planches coupées en disque et de 80 < mètres de diamètre; avec le temps elles affectent les i\ les plus bizarres.
Depuis qu'ils foulent le sol du Yiin-nan, ceux dt
muletiers qui en sont originaires, et que les parages :
et pluvieux du Kuei-chou empêchaient de se livrer à
goût musical, reprennent leurs mandolines et ne cessen
faire résonner les cordes à la cadence des grelots de
chevaux. Sans doute les habitants du Yiin-nan ont, C(
les Espagnols, une affection particulière pour ce gem
divertissement, car la plupart des muletiers ou charre
que nous rencontrons, portent en bandoulière cet ii
ment, qu'ils rejettent sur le dos à la moindi-c néct
Passe -temps aussi inoffensif qu'agréable, et surtout
(îoûteux, vu que, pour la modique somme de • cinq
cents sapèques\ ils peuvent ainsi charmer les ennuis route.
Admirablement assise au fond d'une gi-ande plaine, J trémité de laquelle coule une rivière qui descend des I fthan et se dirige vers le sud-est, la ville de Hsiian-wei vM ^ j^) ^ réuni ses faubourgs dans son enceint une ligne de remparts, construits par les habitants eux-ii
■ Environ -2 fr. 50 c, le tacl ne valant ici que 1,G00 fnosses sapèqu change ost, cVailleurs, très variable .lan» ces différents districts.
YEN-FANG. 71
alors que rînvasîon mahométane les menaçait; quoique éloignée
du foyer d'opérations des rebelles, elle a subi des pertes
cruelles. La population, douce, fière et hospitalière, a mallieu-
reosement, quand les environs ont été dévastés, été mise en
fuite ou dispersée par la tourmente; mais les vides causés
par la guerre ne tarderont pas à être remplis par le Ssù-
c/i iian, qm a dirigé de ce côté un assez fort coiu'ant d'émi-
grs^tion.
janvier. — Route facile, large et sans dalles; point de hautes montagnes. En quittant la plaine pour entrer dans nu district accidenté, nous cessons de voir des chariots, que nous retrouverons à Yen-fang* (j^ ^), d'après le dire de nos conducteurs. Le temps est clair, et les rayons du soleil seraient chauds si une brise du nord-est ne rafraîchissait l'atmosphère.
Sur tout ce parcours il n'y a que des ruines : des pans
de murs, des ponts à moitié détruits indiquent la place d'un
village; des arcs de triomphe élevés à la Piété filiale gisent
renversés au milieu de débris de toutes sortes; les auges
en pierre, ménagées siu* la route par les soins du gouverne-
itt^nt pour abreuver les chevaux de passage, ont seules été
respectées.
Du haut des collines qui dominent Yen-fang, on embrasse rt'un coup d'œil le ti'anquille paysage au milieu duquel cette ^^të est constniîte; une petite rivière, qui va de l'ouest au
^ans cette ville réside un mandarin militaire du grade de Ilsiin-kuan \ÏHj g^ \ chargé de la police de cette localité. Nous l'appelons ville^ parce
'I 'G* H fies remparts comme toutes les villes chinoises ; mais elle n'est pas con-
siVIéréo
^^ <-'ommc telle par les Chinois. D'après ce que nous disent les notables,
**^ Construite pour servir de forteresse au moment de la conquête-, elle n'a
^^ ^nnportance administrative.
74 i>E rin ng-C'H'Int; a yCn-xax ru.
Chan-i-cliou, (lui (K-cupe une éminence au nord-ouest <l^ cette plaine, forme un rectaufrle réjniHer. De loin, des templ aux toits verts parmi des massifs de verdure, la fiimée d habitations semblent annoncer une vie active et une pop^^" lation considérable. P2n approchant, la désillusion commeiic* ^^^ les bastions, couronnés de parlions, qui sentent de corps ^^ garde, ont encore des créneaux en briques séchées au sol^^*" les fenêtres ont aussi conser\'é leurs meurtrières; deux port^ ^" celles de Test et l'ouest, sont seides ouvertes à la cirer '■-^ lation comme si les rebelles venaient de lever le si Quoique peu imj)ortante sous le rapport commercial, ce ville et le district qui en dépend sont administrés par mandarin ciWl du «p-ade de Chîh-chou (^ j^).
Toutes les affaires de ce département se font à C\\ clung-fu ( ^ iH /fj), qui est à 30 lis (14 kilomètres) pi au sud, dans un pays très productif. Cette ville, adossée a flanc d'une montagne, est le principal marché de cette pa de la province. Occupée j)ar le chef rebelle Ma Lin-shêng ^ (J| >H^ ^), <^11^- ftit rendue à l'administration provinciale en 1865 par ^la Ju-lung et le Fu-t'aï, et depuis cette époque les musulmans, les Chinois et les Lolo ou I-jên, qui l'ha- bitent, y vivent en bonne intelligence.
Dans un rayon de 45 lis au sud et à Fouest de cette ville, on trouve quelques gisements de blende, de fer et de galène argentifère ; ces trois exploitations ont été abandonnées au dé- but de la rébellion ; celle de blende a seule été reprise depuis que cette partie de la i)rovince jouit d'une tranquillité relative,
26 janvier. — En quittant Chan-i-chou, la route monte sur des collines boisées; yà et là le riz, encore sur pied,
» Voir les notes rétrospectives sur la rébellion musulmane, chap. V.
• LA PESTE AU YÛN-NAN. 75
pouiiTii dans les rizières humides : les cultivateurs ont fui dev?^^3i.wt la peste qui, depuis quelques années, a fait dans cet't^ contrée des ravages épouvantables. Cette maladie, qui n'east y croyons - nous , qu'une peste sous forme de boutons (Y^S^Tej), éclate le plus souvent vers le mois de mai et con- tiuxxe de sévir jusqu'au mois de novembre, mais en changeant de lîeu. Ce qui ferait croire que cette épidémie est due à des exhalaisons du sol, c'est que les rats sont les premiers vietîmes du fléau; dès qu'ils sont malades, ils sortent de leurs trous, se réfugient dans les habitations, font quelques tours sur eux-mêmes et meurent. Les buffles, les bœufs, les montrons, les chèvres sont atteints ensuite, mais, sur ces der- nières, le mal a moins de prise. Aussitôt que ces symptômes avaixt-coureiu's se déclarent, la population ne tarde pas à en ctr^ attaquée. Afin de purifier les maisons, on allume du fei^ clans toutes les chambres et, dans certaines villes, on ces^so de manger du porc.
^^ettc maladie s'annonce par une fièvi-e violente, et au \)OVit de quelques heures, une tumeiu- d'un rouge foncé com- \$v^Y\ce à se former sous les bras, à l'aine ou au cou; la ^evre augmente et la tumeur se développe d'habitude jusqu'au €>^coiid jour, après quoi elle est stationnaire. A partir de ce tûoment, le malade est en grand danger, car, si cette tumeur, jusque là très dure, devient molle, et si la fièvi-e ne dimi- nue pas, le malade est considéré comme perdu; dans le cas contraire, il y a espoir de le sauver, mais ces exemples sont très rares. Quelques docteurs chinois ont essayé d'ex- ciser ces tumeurs, mais peu de malades ont survécu à cette opération. Le remède le plus énergique qu'ils emploient dans ces circonstances est le musc qu'ils prescrivent à fortes doses comme dernière ressource. Signalons un fait étrange : il
76 I>E CHT-NTUHIXG A YtN-XAN-FU.
arrive souvent que le fléau, après avoir ravagé la plaine, envahit les montagnes, où il fait de nombreuses victimes. Les hauteurs voisines des \'illes sont aussi éprouvées ^
Cette partie de la province est très fréquentée : à chaque instant, nous croisons des convois chargés de différentes marchandises et des bandes de coolies qui transportent des porcelaines venant de Ching-te-chên. Dans les vallées, des touffes d'arbres, des ronces et des lianes se développent au milieu des décombres, les herbes foisonnent dans les champs naguère cultivés; seul, le chemin que suivent les voyageurs n'est pas envahi par cette végétation parasite; les sources qui jadis arrosaient les rizières ont changé de lit et ravinent le sol à leur gré.
Après quelques heures de marche dans ces parages où, depuis les premiers symptômes de la guerre civile, aucun être humain n'est venu fixer sa résidence, on ne tarde pas à arriver sur un plateau, à F extrémité duquel se dessinent les remparts de la ville de Ma-lung-chou (J| f| j^y
27 janvier. — Les fortifications de Ma-lung-chou s'étendent, à Fouest, le long de la montagne à laquelle elle est adossée, et au nord, au sud et à l'est une série de mamelons assez élevés entourent le plateau qu'elle occupe. La ville, vue de l'extérieur, semble avoir été épargnée par la terrible invasion qui, pendant plusieurs années, a décimé la province ; ainsi les pavillons qui surmontent les bastions ont conservé, comme au moment où le pays jouissait d'une grande tranquillité, leurs clochettes qui se balancent au gré du vent; les rem- parts, noircis par l'âge, ne portent pas la moindre trace
* La carte qui accompagne cet ou\Tage montre la marche de Tépidémie pendant les années 1871 à 1873.
MA-LUNG-CHOU. 77
d'avaries causées par rînvestissement. Il n'en est pas de même à l'intérieur : édifices et maisons, presque tout y a été rasé ; le Ya-mên du mandarin, du rang de Chili-chou, n'a pas résisté à la tourmente. Les artisans et les marchands, qui vivent en grande partie du passage des voyageurs, ont ouvert quelques pauvres boutiques dans les deux rues qui forment les faubourgs du sud et du nord. La production de ce district, quoique très limitée, entretient un certain courant d'affaires avec la banlieue, et les foires qu'on y tient cer- tains jours de la semaine sont fort animées. Tous les pro- duits étrangers, tels que coton en pièces ou filé, les draps et autres lainages, viennent de Ch'U-chmg-fu; les auti'es produits et le sel arrivent de la capitale.
La population, bien clair-semée, a les mœurs rustiques qui caractérisent les montagnards; on y trouve quelques I-jên noirs descendus du nord, et même des Miao-tzû, mais ceux-ci en petit nombre.
28 janviei\ — Presque au sortir de cette malheureuse cité, on traverse une petite rivière, dont le cours encaissé se dirige du nord au sud; des plantations d'arbres fruitiers sont échelonnées sur les collines. Quatre-vingts lis nous séparent de I-lung (^ ]||), village où nous serons ce soir. Dans toutes les localités inhabitées, la végétation, favorisée par une température douce, a tout envahi ; les réserves fores- tières d'où l'on retirait les bois de construction sont presque perdues et envahies par les buissons et une foule d'autres arbustes. Les cultivateurs qui viennent reprendre leurs tra- vaux aiment mieux s'installer dans les plaines aux lieu et place des propriétaires disparus que de défricher les vallées, où la terre est plus ingrate.
7^ DE CHT'NG-C'ffING A TTy-NAS-FT.
•4
Ijh village de I-lung. bâti sur des collines d'aspect trè& fertile, a été totalement anéanti par les rebelles: une seiil^ niai7^,:i. ap|iartenant à nn mnsnlnian. a échappé à la destm^^^" tîon jiarce rjn'elle senait de quartier au mandarin qui c mandait les troupes; c'est là aujounVhui que s'arrêtent 1 voyageurs. Les haliitants, en jmrtie venus des montagne* =^- ï^î relèvent difficilement des pertes qu'ils ont eu à sw IKifter.
20 ja/ivû^. — La route descend en pente douce po"* H en^ajfcr dans une suite de vallées, oii le travail seml:^ nmaître : des calianes de fraîclie date, adossées à de vîeill ^ Imtisses en ruines, montrent de loin leurs toitures en pail^ Nous fais^Mis Imite, au milieu de la journée, entre des mam lr»ns couverts d(î verdure; sur les liauteurs, on aperçoit rivière de Vanjç-lin (i^ ;^), dont les eaux limpides coulei> vers le iiord-nord-est.
I)aiiH la lmnli(*ue de la capitale, les villages ont été re^ construits et les vallées sont en i)leîne culture. Sur le boni de la rivière qu'on suit avant de traverser la plaine, des roues hydrauliques et des moulins l\ écraser les graines oléagîneus<îs sont les seuls vestiges d'anciennes industiies que rinsurrection a ruinées; bien que les Chinois ne soient pas (riiunieur à négliger ce qui peut avoir une utilité quel- conque, ilH Hcniblc^nt res])ecter ces ruines depuis longtemps abandonnées.
On suit (luehiue temps la rive du lac, dont la surface dispanut en partie hous les roseaux et les plantes aqiia- tiqiU'M; puis on entre dans une vallée, d'où l'on peut voir la ville.
YANG-LIN. 79
fO janvier. — Située sur le versant sud d'une petite émi- c*e, Yang-lin a peu d'importance commerciale; c'est le :i.t de jonction de la voie de Hsu-chou (^ ^) par Chao- ^-fu (fl3 ^ jjf^). Occupée par les Impériaux presque
début de la guerre civile, les rebelles^ voulurent s'en >arer, mais, forcés de lever le siège pour porter leurs rcs sur d'autres points, ils brûlèrent toute la partie occi- trale qu'ils occupaient. Dans celle du sud s'étend une ïie parfaitement cultivée. La population est assez com- te et s'occupe peu d'industrie; on y fabrique cependant
espèce de colle-forte très renommée dans la province et Kuei-chou.
Tous retrouvons ici les mêmes charrettes loui'des et gros- Cîs que nous avons vues à Cban-i-chou : elles sillonnent lateau dans tous les sens, et, malgré les montées un peu es, elles contribuaient, avant que l'insmTection eût en- imagé la voie, aux approvisionnements de la capitale.
J janvier. — Patrons et muletiers nous comblent de tesses ; comme le voyage touche à sa fin, ils ne manquent
une occasion de se montrer obséquieux, afin qu'on n'ou- pas la gratification sur laquelle ils comptent. -11 sortir de la ville, nous traversons un plateau peu '^ et cultivé avec soin au bout duquel la route monte
lin plan incliné. C'est sur tous ces coteaux, où croissent
forêts de sapins, que les entrepreneurs de la capitale
Client chercher une partie des bois de construction dont
<^nt besoin. Sur une hauteur, quelques ruines envahies
les ronces marquent l'emplacement du village de Ts'ang-
{^ ^); à droite et à gauche, des charpentiers et des
^ Voir les notes rétrospectives sur la rébellion musulmane, chap.V.
HT» I»K i H LN«.^ iriV; A Vrx N'AX-FT.
UiHi;oun travaillent à de ij«»uvelle:> liâtisB^e^s: deux temples d'aJ^^ez ^rraiides iliuieu.sinti.s. à en juger |»ar ee qu'il en re^jte. n'ont jiluff de toit jM.mr abriter leurs idoles, la plupart mutiléetf.
I^Iuïi nouîs avanç^ins. plus le trafic devient important : des eonvois de tr»utes sr»rte.s de luarcliamlises suivent la grand- route juia|u*à Yang-lin et de là se répartissent dans diffé- rentes directions.
A moitié clieniin <le Pan-eli iao ( }^ ^). uous prenons les devants pour arriver aujourd'hui niênie à Yun-nan-fu et pro- céder aux préparatifs du déchargement: nos hommes passe- ront la nuit dans le premier village, ce qui leur permettra d'entrer demain de bonne heure en ville.
Situé a .-{0 lis de la capitale. Ta-pan-chiao (^ ij^ ^^) a été dévasté à diverses reprises jmr les dîtférents eofV^ d'année qui opéraient dans ses environs lors de rinsurrectî^*^ maintenant, ce» village ne possède plus qu'une longue r^^ oii sont disposées de nombreuses écuries ou ma-tien (j|| j^^ destinées à recevoir les bétcs de s<mnne qui fréquentent ce^^ voie et celle d'I-liang-hsien (5|[ ^ j^); la population ej^ éminemment commerçante et une grande partie des cultures mwi entretenues par les I-jén, très nombreux dans les mon- tagnes voisines.
Au sortir du village, on retrouve la voie pavée; elle longe les collines et se dirige vers Touest. Des nmisons de campagne en ruines au milieu de jardins et de bouquets d'arbres sont les seuls débris d'une aisance dîspanie. On remarque de nom- breux temi)les, aux murs restaurés depuis peu et ornés de peintures grotesques; c'est là que les passants dévots vont déposer leurs offrandes et remercier le ciel de les avoir protégés durant leur voyage.
TA-PAN-CH'IAO. 81
Du haut (les mauielons qui bordent, à Test, la plaine de K un-mîng-hsien ^ (^59 ^)i s^ déroule un paysage gran- iîose : au loin, le lac de K'un-yang-chou ^ (^ il ^l? ^^^^ ^^^ indigènes nomment Kun-yang-hai^ (^ ^ ;^), étend au loin ses eaux bleuâtres, que sillonnent une foule de grandes barques aux voiles en nattes. Ce lac est bordé à l'ouest par nne chaîne de hautes montagnes, dont les cimes aiguës s'ar- rondissent et s'abaissent progressivement vers le sud; de ce côté, une immense plaine s'étend entre nous et le lac depuis les montagnes qu'on aperçoit à peine au nord, demère la ville, jusqu'à Ch'eng-kung-hsien (^ ^ lP) et Chin-ning- cbon (^ ^ ^), sur un parcours d'environ 90 lis.
Pendant la descente, des toui'billons de poussière soulevés ar le vent nous aveuglent et contrarient notre marche. X^a culture des champs qu'il faut traverser pour arriver à ville est en pleine activité ; dans presque tous les villages, "travaille avec ardeur à faire disparaître les traces de :^ cîîupation ; les paysans, dispersés dans la campagne, la ^xmie en main, défrichent les rizières depuis longtemps tVïidonnées et pressent par des cris bizarres la marche de buffles indociles. Quoique la chaussée soit large, les ^^ois se heurtent et s'accrochent à chaque instant et quelque- ^^ même interceptent la voie. Les muletiers du sud se ^^t remarquer par leur costume aux couleurs éclatantes et ^^^ harnachements singuliers de leurs chevaux. Ces mule- fiers, dont le teint hâlé contraste avec le turban blanc qu'ils portent enroulé plusieurs fois autour de la tête, causent à
^ District administré par le Chih-hsien (43î )B) ou sous-préfet de Yiin-nan-fu. 'Ville située à l'autre extrémité du lac, à 120 lis au sud de la capitale, î C'est-à-dire mer de K'un-yaug. Presque tous les habitants rappellent ainsi, cependant, son véritable nom est Tieu-ch'ih-hai Oî& ^fy. j&\
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82 DE CH'UNG-CHING A YÛN-NAN-FU.
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l'Européen une impression (rétonnement : vêtus d'une ve^^ ^•e courte, oniée d'une quantité de gros boutons d'argent, ils o-=^i»it une physionomie parfois sévère et un air mâle et même Lz^^*n peu sauvage. T'hausses de sandales de paille et les jamb ^ '« fortement serrées par des bandes de coton, ils marchent u grande partie de la journée sans éprouver de fatigue.
Bien que déjà habitués à toutes les péripéties que i manque pas de créer un voyage de ce genre, ce ne fut p sans un vif contentement, mêlé d'une certaine émotion, q nous aperçûmes pour la première fois la silhouette des parts de Yîin-nan-fu ; ainsi que le marin à l'issue d'une traversée, nous allions bientôt pouvoir jeter l'ancre et gotttr quelques moments de repos.
r^" février. — Au bcmt de trois mois et sept jours ^ marche, par une belle journée de février (cinquième jo (mzième lune, dixième année de T\ing-chih), nous atteignhn la ca])itale. M. Dupuis, ])arti deux jours après nous i Ymig-ning-hsien, où il était resté pour régler quelques affair n'arriva que deux jours ])lus tard.
Notre entrée dans cette grande cité, peu connue des Euro^ péens, ne fut pas plus remarquée qu'elle ne l'aurait été dans un i)ort du littoral où les indigènes sont accoutumés à voir des étrangers; il est vrai que le costume chinois que nous avions ado])té dès notre amvée dans le Ssû-ch uan, et la facilité avec laquelle nous nous exprimions dans la langue du pays contribuèrent beaucoup à tenir les curieux à distance. En outi-e, comme par la position géographique de la pro- vince les habitants sont en rapports suivis avec des peuples du dehors, tels que les Tonkinois (;^ ^ /^^ Thibétains (BS M A) et Birmans ($]§ >^ ^), dont le teint, les mœurs
ASPECT DE YÛN-NAN-FU. 83
liabîUement diffèrent totalement des leurs, ils sont un peu Lliarisés avec ces changements. Cependant, malgré cette Ltude, ils ne sont pas exempts de ce penchant à la curiosité caractérise la race chinoise, et un Européen costumé d'une »ii originale, la tête couverte d'un chapeau à haute forme & canne à la main, ne manquerait pas d'entraîner à sa e des milliers d'individus, et cela dans les endroits même ^âce à noti'c déguisement, nous passons inaperçus, -a cité offrait en ce moment un coup d'oeil étrange, le ne ordinaire de la population ayant fait place à une excitation causée par les événements qui se passaient sur clifférents points de la province occupés par les troupes. LS les rues circulaient des soldats de tous les corps : sur uniforme bizarre ils portent presque tous ime cuirasse;
paire de sabres est attachée à leur ceinture ; des bandes :^oton de couleur leur font des espèces de jambières; ils
chaussés de sandales en paille; leurs traits bronzés et
ou moins accentués, qui contrastent avec les couleurs ^ntes de leur accouti*ement, contribuent à leur donner
apparence martiale. Tous ces défenseurs du gouveme- t:, armés en gi-ande partie de lances ou de tridents, ►mbrent les maisons de thé et les fumoirs d'opium, en ï\dajit que leurs chefs soient disposés à mettre leur bra- t^e à l'épreuve. Des mandarins militaires, porteurs de 5ches expédiées des différents camps, se rendent en hâte
ya-mêns; des métis de Chinois et d'I-jên aux vête- At8 bariolés se frayent avec peine un chemin dans la le, que les convois de marchandises ou de munitions de erre rompent à chaque instant.
Ce n'est pas sans anxiété que cette population, qui, depuis J aimées, avait pour ainsi dire ses moyens d'action limités.
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/!»,*#• fi^ftu \vAii^:< /-tâ-'i'^rt- îf*!)îit^*»t lar Le Fa-tAï et se* -»'i.rii^.# f#'"rfir * VnuT- 'liîin^r §t îX'- 3î^ a Arrivaient à 4tu''Vi "'ii\[rAr, Or* tinr '.rr* ri»t>rtTin»rot 'îe plaisriiAÎenr B>at tiAiit #f !5#ii« ,4»j vinitr^ ■!' m .~:r* :u»V^ a jtareineac La pn>It>a^ri*>o
'>i^M ;• l';ful^'. f\f: hn.'én^TA îi»tnvrl\K>, «le fiiire espérer on dé- v»M^rt'»^nf pr/'/'h;kîri : rfialh^nr«=-n 'ornent. le rhéàtre de la guerre ^f'/iit ^i rA^,\fff/'\\*' (W |ji r-apîtale que les moindres événements / ^f/fi/nt ^/Jfi^^rN'M ^rt jrr^w.'nÎM ontre mesure, ^lon la contnme ^•K»r»/rM/v \i^\{(ri' cé^ /'tat d'înfrerritnde. le commerce, long- f^Utff^ fuUrrhfuiffL n:(>n:riait iin peu d'acrivité en renouant (/•-î /tr»/ i^'or»^^ f'ffWfunuu'/dtiffUH avec les districts qu*abandon- ft^i^hl U'^ rt'Ut'Ui'A, IhîUH les fa ulxmrgs qui formaient, avant M triurrf'., pliiH *leK ileiix tiers de la ville marchande, les \frffprU'h^)rt*M |yr/'HeiitH travaillaient à relever les ruines de
A M «mH i'«f dr la plaine, (|uelques villages presque entière- rN^Mf ri'lfhtiw liilMMiiietit voir leurs maisons blanches décorées
ASPECT DE YÛN-NAN-FU. 85
des peintures les plus bizarres ; à droite et à gauche, parmi des constructions neuves, des charpentes en haut desquelles flottaient des banderoles de papier rouge ^ indiquaient que la bénédiction avait été faite avant que la carcasse fût livrée aux maçons.
Les autorités provinciales, tout occupées de pourvoir aux exigences de radnmiistration militaire, n'avaient encore tenté aucun effort pour faire disparaître les traces de l'occupation.
Du côté de l'est, la plaine, depuis la porte du sud jusqu'au lac, présentait un aspect de désolation, et le sol, bouleversé comme par des convulsions intestines, était troué de mille crevasses. Les routes, naguère larges aux abords de la ville, n'avaient même pas été déblayées; aux endroits d'un accès difficile, on s'était contenté de pratiquer des ouvertures dans les fortifications provisoires et l'on avait comblé quelques tranchées pour donner passage aux chevaux. Sur la route de Cliêng-chiang, qui, depuis le commencement de l'expédi- tion, était très fréquentée, rien n'avait été fait, et les paysans la réparaient à leurs frais afin d'y passer avec leurs lourdes charrettes ^
> Les Chinois ne mettent jamais en place la pièce de bois appelée lianff TîK \ qui forme le comble de leurs maisons, sans pitxïéder à une cérémonie religieuse snivîe d'un repas offert au maître chai*pentier; ils choississent à cet effet un jour heureux de leur calendrier.
* Ces véhicules sont constniits sur le même modèle que ceux que nous avons vus pour la première fois à Usuan-wei-chou.
DE YUN-NAN-FU A CHENG-CHIANG.
Le Fn-t'aï (gouverneur), que nous espérions rencontrer dans la capitale, était, ainsi qu'on Ta vu plus haut, (levant les murs de Chêng-chiang ; comme il éta,it indispensable que nous le vissions le plus tôt possible, il fut décidé, après quelques jours de repos, pendant lesquels M. Dupuis arrangea certaines affaires, que nous irions le trouver au milieu de son camp.
14 février. — A une heure de l'après-midi, laissant der- rière nous le gros de nos bagages et n'emportant que ce qui était nécessaire, nous nous mettons en route. Du côté de la porte du sud, par laquelle nous sortons, il reste à peine des traces du luxe d'autrefois ; les maisons occupées par les chefs insurgés ont seules échappé à la destruction. Nous suivons, dans la direction du sud -est, une chaussée pavée, encore obstruée de décombres. Bientôt nous traversons un pont cou- vert que les rebelles avaient fortifié pour arrêter la marche des troupes impériales; à droite et à gauclie s'ouvrent de larges fosses, garnies de pieux en bambou, et deux tourelles, flanquées aux issues du pont, montrent leurs créneaux écornés par les projectiles. Parmi ces ruines, tristes vestiges de la
90 DE YCN-XAN-FU a ( HÊNG^-HIAXO.
guerre civile, le sol reste en friche : pas la moi parasite n'a encore poussé dans ces sillons évent mine.
Depuis que Ylin-nan-fu a été ilélivive de W fer qui menaçait de l'anéantir, tout ce qui regar vemement est resté dans le même état que le j rebelles ont abandonné leurs positions. Au-delà dcM s'élèvent de distance en distance une foule de i tourés de fossés; d'après l'état des murailles e1 de débris, on devine que des combats acharnés livrer.
La vaste plaine de Ch éng-kung ( ^ ^ )• U^^^ à nos yeux, nous offre un i)aysagc plus riant. le tation est très active : aussi loin que la vue peut la plaine est couverte de fèves i>resque mûres, énormes pertes qu'ils ont subies, les paysans, laisser abattre, ont compris que la culture de féconde pouvait, en peu de temps, les aider à de la misère dans laquelle la guerre livs avait j)] pourtant ici encore il y a des ruines : remplace ciens \illages se reconnaît a ([uelques pans dt milieu des ronces; (*eux (|ui bordaient la rout< souffert que les autres.
Après oO lis de marche à travei-s un [)ays coupé de canaux et bonié à l'est par le lac. à des montagnes qui s'échelonnent à l'horizon, noi au village de Hsiao-pan-ch iao (/J^ jjjl Jj^): connut ce village a y\\ s éloigner la tourmente, car de maisons en briques ont fait place aux huttes de p jour de marché; les paysans des cmirons, q\ vendre leurs denrées et faire leurs achaU, ^'e
92 DE YÛNNAN-FU A CHÊNG-CHIANG.
est si heureux de rencontrer un compatriote qu'il nous offre une hospitalité aussi cordiale que son ya-mêri délabré le lui permet. Tout, chez lui, dénotait une gêne extrême ; un man- darin civil de ce grade s'accommoderait malaisément dans une autre province d'un ameublement aussi mesquin; mais au YUn-nan, et surtout à la suite du fléau qui venait de s'appe- santir sur eux, les fonctionnaires, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, souftraient de la plus profonde misère. Beaucoup d'entre eux ne supportaient leur malheureux sort que dan^ l'espoir d'un avancement rapide ou d'un poste avantageur^ ailleurs.
Il était dix heures quand nous pûmes enfin satisfaire notifc-: appétit. La table du mandarin nous eût semblé, en d'autre circonstances, peu confortable; mais ventre affamé n'est p*^ difficile, et, d'ailleurs, s'il y avait à redire à la qualité d^ mets, ils étaient du moins copieux. Après dîner, nous prinfx^ congé de notre hôte, et les domestiques nous conduisir^^ dans un grenier, où des grabats avaient été préparés à not:^ intention. Il ne fallait pas s'attendre à autre chose dans c^^ parages où les rebelles avaient fait im long séjour; ce^l valait mieux, après tout, que de camper à la belle étoiE^
lo février. — Ce matin, à peine le soleil levant a-t— doré les cimes des montagnes qui bordent le lac que noi-"> sonnnos en selle. La \\OTi^ du sud, vers laquelle nous noO dirigeons, est fermée; nous éveillons le portier qui, tout chen^hant ses clefs, ne peut s'emi)êcher de grommeler con les ftmes peu charitables qui viennent troubler son somm i\ une heuiv si matinale.
Les faulnnirgs du sud si>nt dans le même état de dév tHtîon que eeiux de Test, Nous longeons quelques rizièïr<
TA-MMX). 93
avant de débouclier dans une vallée plantée d'arbres frui- tiers ^ De chaque côté, la route est bordée de cercueils, wntenant les cadavres des soldats impériaux tués sous les taurs de la ville et qu'au fur et à mesure de l'exhumation. Von restitue à leurs familles ; l'odeur nauséabonde qui s'ex- lide de cette pourriture est si forte que nous sommes obligés de prendre un chemin de traverse. Les hommes qui i)ro- eèdent à cette opération y semblent fort peu sensibles, car ils causent tranquillement sans avoir l'air d'éprouver la moindre gêne. Selon le rapport des gens du pays, quarante à cin- quante cadavres suivent chaque jour la même voie, sans compter ceux qui ont été enterrés sur les lieux.
A 10 lis de la ville, sur le versant d'une petite colline, nous apercevons les restes du village de Ta-mi-lo (-^ ^ ^); quelques maisons encore debout sont occupées par les Liang- tdi du Fu-taï. C'est là -que les troupes de Chêng-chiang viennent renouveler leurs vivres ; tous les jours, un détache- ment de chaque bataillon, muni d'une planchette sur laquelle est collé le permis délivré par le chef de coi'ps et visé par Yintendant général, reçoit, sur sa présentation, le nombre de rations nécessaires.
Ce vfllage passé, nous poursuivons notre route à travers
le» montagnes et ne tardons pas à arriver sur le plateau qui
forme le point de partage des bassins de Chêng-chiang et
ie Cheng-kung. Au sud, un immense ravin sert de lit à un
^^ûMcan qui, un peu plus bas, se grossit des eaux des col-
Imes voisines, fort abondantes pendant la saison des pluies;
* Ce district produit une grande quantité de fruits, tels que poires, pommes, î'^ pêehes, qui se débitent fort bien sur les marchés de YUn-nan-fu, I-liang- ■■*»» K'un-yang, Hsin-hsing*, les poires représentent au moins la moitié de la Moetion totale.
94 I^E YCN NAy-FT A CHÉNG-CHIANG.
felle« du versant iionl descendent dans la vallée, serpentent dans la ]daîne de Cirêng-kung et se jettent dans le lac de K nn-yang, tandis que celles du sud vont tomber directement dans le lac de Chcng-chiang.
I^ nature de ce sol montagneux parait peu propre à la culture : le grès coloré et des ro<*hes granitiques le com- |Miscîit en grande partie: par ci par là, dans les bas-fonds, croissent des clicnes et des sapins; plus loin, au sud-est, sur la croupe des collines, les I-jén ont profité de Fabon- daîic(r des eaux pour établir des rizières dans les vallons. Sur les hauteurs oii Veau manque, ils cultivent le sarrasin, le maïs et les pommes de teiTc. L'écobuage, qui se pratique sur tous ces terrains élevés, est indispensable pour assurer les récoltes.
Avant de descendre par un sentier très escarpé, quoique en lacet, nous jetons un regard sur Chêng-chiang, dont le punoraniR se profile à riiorîzon; de temps en temps, de légers tourl)ili()ns de fumée blanche s'élèvent dans Tatino- Hphcre, et, bicMi (lue le vent soit contraire, nous entendons le bruit sourd des canons qui bombardent la ville.
Au piiMl <le hi vallée formant l'entrée de la plaine, le sol est partout bouleversé; des trous coniques de 3 à 4 mèti'cs de profondeur iudi(iuent la place des fortins construits par h'M rebelles (»t (jue les Impériaux ont fait sauter par la mine.
Le IT), à trois heures de l'après-midi, nous anivons au quartier géuénil du Fu-taï (gouvenieiu'), qui est absent; en nlt(»iulaut HOU retour, nous allons faire ^^site à Yang-ta-jên ^^) A A )•* *'** uu\ndarin, ayant gardé ini excellent souvenir
' Son \MUilU^ nom oi»t Yan^ SliouK-tsun^- (ij^ J^ ^ ). C'est ce fonction- m\\v (|ul iTvut lo» niemhiVH de la mission de Lajrrt'e et ee fut chez lui, à Tunç- eli*Hrtn, i|ue M. d<» l.HKw\e fut ojh^iv \m\t le din^teur Joubert. Cette opération frapi>a
ARRIVÉE A C'HENG-CHÏANGFU. 95
lin passade de la mission de Lagi'ée, nous offre de ])arta}çer
ïsoii logement^ dont ime partie est en ruines; nous aeeeptons
son hospitalité avee plaisir. Ce i)ersonnagei d'un caractère
jo>nal, se mît avec tant de rondeur à noti-e disposition qu'en
peu d'instants nous nous trouvâmes i)aifaitement à Taise. Il
ne manqua j)as de nous demander des nouvelles du docteur
Joubert, ^ ce célèbre médecin,» disait-il, qui sait ouvrir les
corps humains et les remettre en état sans tuer le malades -.
Le Fu-taï, aussitôt revenu de rin8i)ection {générale qu'il
venait de passer, nous envoya chercher. Après la j)rcsenta-
tion et les politesses accoutmuées, nous lui ex])osâmeH le but
de notre voyage; au moment de nous retirer, il nous invita
à visiter son camp le lendemain matin, sous la conduite de
notre hôte, qui nous avait accompagnés, et a dîner ensuite
avec lui.
10 février. — La journée s'annonce par une matinée ra\issante et, malgré la fatigue, nous ne jiouvnns résister à la curiosité d'aller jeter un cou]) d'(eil sur les <*nvirons: notre excursion se prolonge ])lus longten)])s (pu* nous ne* l'aurions voulu, car à noti'e retour le nnindarin nous attcn- <lait et nous nous rendons ensemble à lïnvitation du Fii-t'aï. (.'e dernier étant en palanquin et nous à cheval, il nons fit prendre les devants, en nous d(mnant rendez-vous a lliing- shaii (j^ jlj), ou le Mont roiuje, petite énnnencc (pii domine la ville au nord et où les Impériaux avai(;nt placé (|ueh|ues pièces d'artillerie. De cette hauteur occuper» ])ar les troupes
teUenient rima^nation de Yang Slién^-t^iuifi: qu'il m parla fie tous côt/'s et fit ane réputation considérable au «locteur: ce domior gu('*rit aiiHsi, pendant son aéjonr en cet endroit, de nombreuse» maladies cryeux, de Horte (pie mw nouvenir e^t resté fcr^vé dans la mémoire des habitants comme celui d'un bicntaiteur.
96 DE YtN-NAN-FU A CHÊNG-CHIANG.
(le Yang-ta-jen, on pouvait suivre les mouvements des rebelles. L'intérieur de la ville présentait un aspect étrange : pas une âme dans les mes; les habitants, par crainte du bombarde- ment, s'étaient réfugiés dans des souterrains qu'ils avaient creusés autour des remparts; durant le jour chacun restait enfermé; les gens de semce ou de corvée circulaient seuls en courant et en faisant des zigzags, car les Impériaux, de leurs positions élevées, ne manquaient pas de tirer sur qui- conque s'oifraît à leur vue. Sur le rempart l'ennemi avait établi des postes de cent en cent mètres; solidement bâtia. en terre, ces postes abritaient chacun deux hommes chargés:^ de surveiller les assiégeants, et, comme leurs munitions codql mençaient à s'épuiser, ils les ménageaient en ne tirant qu'^^ coup sûr; mais les canons lisses fabriqués à l'arsenal (L < Nankin (^ ^) sont si mal pointés que Teifet en est presq nul. Au nord-est, prés de 2,000 hommes travaillent activ ment à creuser des mines pour détruire les fortifications c'est surtout à ce travail et à celui des tranchées que le^^ Impériaux perdent beaucoup de monde, car ils sont forc€^^ de se mettre à découvert pour charrier les déblais.
En redescendant, Yang-ta-jên nous mène chez un de ô^* amis, Slmo-ta-jen (g|J ^ \)^ où nous trouvons le gouv^r neur, qui examinait par une feneti-e les progrès de ses ti-oupc?^ Ce généralissime, quoique ayant monti'é ime certaine bravoi-i-r^ alors qu'il était petit mandarin, craint aujourd'hui pour sî pers(mne et ne s'aventme pas trop près de l'ennemi dep^m d'être assassiné, car il sait qu'il a beaucoup d'envieux; -pai précaution, il i)orte toujours une épaisse cotte de maille^.
l)ans l'après-midi, un grand nombre d'officiers, les ^->liis distingués i)anui les commandants de corps, étaient coxl^^t'fc par le Fu-taï pour ])rendre part au dîner qu'il noui^ a.vai<
UN DÎNER CHEZ LE GOUVERNEUR. 97
offert ; le repas fut somptueux et, quoique préparé un peu à la hâte, dans une tente en nattes et papier, rien n'y man- cjuait. Au début, . la présence du général en chef jeta un peu de froideur, mais dès que le \in Shao-chiu (^ ^) eut circulé plusieurs fois à la ronde, chacun s'anima, les plaisanteries commencèrent, et les joyeux convives auraient peut-être fini par oublier qu'ils assistaient à un dîner officiel, si le Fu-taï n'avait fait presser le service. Ce procédé, qui n'était tout simplement qu'une façon polie de nous congédier, fat très bien compris de tout le monde ; on vida les verres et on avala la tasse de riz ti-aditioimelle qui complète les dîners chinois. Shao Tlen-kuei (3|J ^ ;($), ou Son Excel- lence Shao, que nous avions vu au camp dans la journée, «e trouvait à la même table que nous ; il nous invita à dîner pour le jour suivant, mais noti-e départ étant arrêté pour le lendemain matin, nous déclinâmes son inWtation.
Avant de se retirer, chacun des convives vint à tour de rôle s'incliner devant le gouverneur et le remercier de l'hon- neur qu'il lui avait fait en l'admettant à sa table. Dans la soirée, le Fu-taî vint nous rendre visite et nous entretint longnement de ses projets futurs : il esquissa en peu de mots les avantages matériels que la province retirerait de Touverture de la voie du Tung-king, et nous parla surtout de rimpulsîon qu'il se proposait de donner à l'exploitation des mmes aussitôt que la tranquillité serait rétablie. « Mon am- »bition >^ disait-il, « est de pouvoir faire arriver sur les niar- *che8 de nos villes, par la voie du Tung-king, qui est la *plU8 Courte et la plus économique, les produits étrangers * ^ni nous arrivent actuellement par la voie du Ssil-ch uan, *ee8 produits étant considérablement surchargés par suite ^^ frais de transport et des nombreuses bamères que les
98 DE YON-NAN-FU a CHÊXG-CBIANG.
» iléfÇoeiantH ont à passer. Les routes da sad me permettront » tout en favorisant sérieusement le commerce, de créer des » revenus importants au moyen de rétablissement de douanes » à Man-hao (^ |^) et sur la frontière du Kuang-hsî^ et de > donner une p*ande extension à nos produits métallnr^ques. >
Yanjç Shen{f-tsnn{f ( ^ ^ ^), chez lequel, dans nos deux voyajçes j\ (1icn}î-clnan{f, nous avions trouvé une hospitalité larjfo et cordiale, désirait abandonner la carrière des armes, dans la(iuclle il avait essuyé beaucoup de revers, pour s'oc- cuper spécialement de l'exploitation des mines. Cette question, du plus haut intérêt pour lui, fut entre nous le sujet de lonjfues conversations. En le quittant, il nous fit promettre d'aller le voir it Tunjf - clùian. Habitué à la direction des exploitations, il comprit, d'après l'esquisse qui lui était faîte des procédés eun)pécns, l'avantage considérable qu'ils pré- sentaient; aussi nmnifesta-t-il le désir d'être un des premiers à suivre la voie du pmgrès.
17 JecnW. — Nous quittons Chéng-chiang le 26 de la douzième lune chinoise, a\ neuf heures du matin. Pendant toute la nuit, le lH>mlmnlement n'a pas cessé, et quelques fusées lie {rueriv, faîtes jmr les indigènes, ont été lancées, mais s;uis succès. En |uuu^nt à Chéng-kung, le Chih-hsien iasiste \\o\\t nous retenir à dîner: comme nous désirons pro- fiter des quelques hennis de jour pour arriver à Hsiao-pan- f'hiao. nous le remennons et wntinuons notre route. A quelques lis de Chéng-kung. un triste siHM^tacle nous atten- dait : vingt-huit tcti^s fnuchement innipées se balançaient an UiHt d'autant «le jn^n^hes. et les wrps décapités gisaient dans \t: plu?* hideux étî^t au tond des fiv§sés de la route.
RETOUR A YCN-NAN-FU. 99
-•
Ce ne fut pas sans peine que nous pûmes trouver à Pan- chïao un asile pour passer la nuit; les rares auberges de ce village étaient occupées par des marchands et des soldats qui allaient à Chêng-cliiang* Le taudis qu'un des hôteliers parvint à nous procurer était si repoussant de saleté, si grouillant de vermine, que, malgré les ténèbres, nous le quittâmes à deux heures du matin pour reprendre le chemin de la capitale. Cette partie du trajet eut lieu sans accident, quoique, dans l'obscurité, nos chevaux, trompés par le reflet des dalles, trébuchassent à chaque pas.
Les portes de Yiin-nan-fu s'ouvraient au moment oîi nous sortions des faubourgs pour rentrer en ville. M. Dupuis, de retour du sud depuis la veille, attendait notre arrivée avec impatience afin de descendre ensemble à Hsin-hsing (^ ^), où Ma Ju-lung comptait siu* nous. Malgré noti'e diligence, les fêtes du nouvel an étaient si proches qu'il fut impossible aux autorités civiles de trouver un bateau pour passer le lac jusqu'à K'un-yang (^ ||f). La route par terre était bien ouverte et même facile, mais, comme il ne faut pas moms de deux jours pour accomplir ce trajet à cheval, tandis qu'une nuit suffit en bateau, nous décidâmes, de concert avec Ma I-chang ( J| |^ ;^), beau-frère de Ma Ju-lung, d'attendre jusqu'au quatrième jour du premier mois chinois pour faire ce voyage.
La capitale, privée des amusements auxquels donne lieu la plus grande fête de l'année, à cause des dangers plus ou moins sérieux qu'elle courait depuis le commencement de la rébellion, allait enfin pouvoh', maintenant que ses environs étaient tranquilles, s'y livrer en toute sécurité. Cheng-cliiang, il est vrai, n'était pas encore au i)ouvoir du gouvernement,
7*
100 DE YCN-NAN-FU a (^HÊNG-CHIANG.
mais cela ne tarderait pas, et, escomptant le bénéfice de sa
chute prochaine, les habitants faisaient des préparatifs p<^— ^^ commencer la nouvelle année au milieu des réjouissanci La cité offrait en ce moment un coup d'oeil des plus animé les boutiques étalaient leurs plus belles marchandises, et^ voir un tel déploiement de luxe, on n'aurait pas cru, si dt ruines encore récentes n'avaient été là pour le rappeler, qi l'épouvantable fléau de la guerre avait passé par là.
Les Chinois, on le sait, attachent une extrême imj)ortan< à la célébration de ces fêtes : l'artisan, après avoir travail! sans relâche, voit avec plaisir arriver une époque qui li permettra de goûter quelques jours de repos au sein d sa famille; les commerçants, gros et petits, règlent lei comptes, hâtent les recouvrements et établissent l'état d< leur bilan; les fonctionnaires de tous rangs, se conforman' aux ordres venus de Pékin, mettent leurs sceaux sous cl pendant un mois (du 15 ou 20 de la douzième lune envirov jusqu'au même quantième du premier mois) à moins d'affaires graves, telles que la guerre ou la sécurité générale. Pen- dant cette période, les administrations civiles et militaires sont regardées comme en vacances; cependant, avant la fermeture des sceaux, on a soin d'estampiller un nombre suffisant de dépêches en blanc, afin de pourvoir aux néces- sités urgentes. On passe la dernière quinzaine du douzième mois à amasser des provisions de bouche et à acheter les objets destinés aux cadeaux; depuis le plus haut dignitaire jusqu'au pauvre hère vivant au jom* le jour, chacun se con- forme à la coutimie selon ses moyens. C'est dans la basse classe et parmi les gens surchargés de famille que se font relativement les plus fortes dépenses, car les enfants sont alors tous habillés de neuf. L'occasion est unique pour les
!^>F D£ rf^y-«^Fr a rHESi-^lRI Wr
4e nriineanx tf^irpt» qa'Q a i^Dii le^er afin de .^.Hitenir la irwrrre. Cr^^ ^ffifier*. *iae i»œ* T.>y»»ii* pa!*t«er à chenal. !5i>nt rri'rtTw de leur* m?îign^* et [»>rtent à leur ehapeaQ le b^wton r^Hige. WeiL blanr- ôq «le eii^caL surrant lenr graJe. D:* ^iembleikt mal à TaL^ .v.KL'i rimif*:»niie de e^rêm«:»nie. La pla- part d'eritre *:M. officier* de f»>rnme oa de ha^anL n'ont pa^ r^yfnpo avec le?» habitadeï^ gp:ii8«jêreâ et les fiai^>nà brasqnes défi f^mpagnani^ : fl.s aoraient bien meiDenr air avec la vç^te courte de* ^n* dn Yon-nan et une pelle entre les maia^ qae dan.s ce co^^mme de mandarin, qui fait re$«ortir leur manque d'éducation et leur peu d'habitude du monde.
I>f mandarin ci\iL qui. d'aprè$ la loi chinoise, doit être ne lion* de la province ou il wcupe des fonctii>ns. conserve TfA dijrnîttf et cette attitude fiere et pleine de mor^e qui le carartériî»e. Il est juste d'ajouter, cependant qu'au Yun-nan, tenus longtemps en bride par les militaires qui avaient la haute main sur tout, ils ^M^nt un peu moins autoritaires qu ail- leurs. Les nouveau -venus, installés après l'occupation des rebelles, ont essayé de trancher du maître pour opérer des Wrnéfices ou réformer l'état des choses, c'est-à-dire la direc- tion des affaires par les Kuan-shih * (^ ^) ; mais ils ont appris, souvent à leurs dépens, que la population, quoique encore malheureuse, n'était pas d'humeur à subir leurs ca- prices.
Depuis le début de la guerre civile jusqu'en 1872, où elle a pris fin, un grand nombre de mandarins civils ont été tués ou ont beaucoup souffert. Les chefs militaires qui gouvernaient les districts ne voulaient rien avoir à démêler
* 1^8 Knan-ahih sont des notables désignés dans chaque district pour traiter des affaires locales. Dans les villes, et depuis que le calme est rétabli, ils aident le» mandarins à percevoir les taxes parmi les paysans.
PHYSIONOMIE DE I^V CAPITALE. 103
^vec eux et, abusant du caractère officiel dont ils étaient ^vêtus, ils prenaient possession de leurs ya-men; si ces derniers se montraient dociles et ne s'occupaient plus de rien^ on tolérait leur présence et on leur donnait les moyens rfie vivre; sinon, ils étaient mis dehors sans autre forme de />iit>cè8. D arrivait quelquefois que des chefs, d'un naturel ^oîns accommodant, ne voulaient même pas les laisser entrer ^n xîlle, les reléguaient dans les faubourgs et refusaient de fournir les objets de première nécessité. Dans l'un dans l'autre cas, la situation des fonctionnaires civils trè« précaire et, au lieu de s'entourer, comme ils en l'habitude, d'une foule de domestiques entretenus la plu- du temps aux dépens des malheureux qui viennent ander justice, ils avaient le strict nécessaire pour leur Leur toilette si recherchée et le décorum dont ils ô ^cîeompagnent toujours avaient complètement disparu : la de soie et les fourrures avaient fait place à la modeste de coton; chez eux tout respirait la gêne; çà et là, ^^I>endant, l'on trouvait encore des traces d'ancienne splen- ^^Hr. Ceux qui étaient envoyés dans les villes que les re- ^^lles venaient d'évacuer n'avaient pas moins de tracas et se voyaient contrainte, malgré l'autorité dont ils étaient investis, ^^ faire des concessions regrettables aux militaires en gar- ï^ison; ils étaient, en outre, accablés de travail et assaillis ic réclamations sans nombre, car, dans beaucoup de districts, k cadastre n'existait plus et toute l'admmistration civile se trouvait dans le plus complet désarroi.
Pendant que la population de YUn-nan-fu se divertissait, leg affaires étaient suspendues. Nous profitâmes de cette espèce de vacances pour entreprendre une excursion de deux
104 DE YCN-NAN-FU a CHÊNG-CHIANG.
jours aux environs de la capitale. L'endroit qui nous fat ■ ^ recommandé comme étant le plus pittoresque et le mieux conservé était Hei-lung-t'an (IH f| ]^) ou le Bassin du dra- gon noir.
Nous quittons la capitale à une heure de l'après-midi; ^^ porte de l'est, par laquelle nous sortons, généralement ^^ plus fréquentée, est déserte, mais dans le faubourg quelqiB-^^ débits de thé sont ouverts. A peine avons-nous fait quelqti- centaines de mètres que les cordes de nos bagages se rompe pour ne pas perdre de temps, nous engageons un muletL qui passe avec un cheval; il est convenu qu'il prendra to les bagages et les conduira à destination pour la somme 550 grandes sapèques * ; puis nous nous remettons en mardi Pendant ce temps d'aiTct, de gros nuages noirs montent l'horizon, et à peine sommes-nous à moitié route, c'est-à-di à 5 lis de la ville, qu'ime pluie battante nous oblige à eh cher un abri sous la toiture d'un fortin en ruines, qui le passage. Sur cette route les rebelles ont élevé de no breuses fortifications, et pourtant le pays n'a pas eu trop - souffrir de leur présence, probablement à cause du peu d ^^^ résistance qu'ils y ont rencontré. De tous côtés les culturer^^^ sont en bon état et convenablement arrosées; les travau^^ de la campagne ont repris leur activité, et dans les viUageô voisins il y a beaucoup de maisons neuves.
Le but de notre excursion s'annonce par une forêt de sapins, au milieu de laquelle se détachent trois ou quatre bâtiments dispersés sur la colline. Avant d'arriver, un bruit sourd nous avertit que nous approchons d'ime chute d'eau; en effet, à côté d'une cabane en paille, est établie une roue
» Le change actuel est de 2,000 sapèques pour un taël d'argent, qui équivaut
<« g *•««««%.»*.« «!'»
EXCURSION A HEILUNG-T'AN. 105
liydranlique horizontale mue par une chute, d'un mètre de
ftant et de trente centimètres de large sur dix d'épaisseur.
Cette roue met en mouvement une petite meule d'un mètre
de diamètre et du poids d'environ 150 kilogrammes, qui
tourne dans une auge en forme d'U et dont le mouvement
circulaire légèrement prolongé décortique le riz. Ce n'est
pas sans une certaine curiosité que nous avons visité ce
simple appareil de décortication, où, pour la première fois
depuis le début de notre voyage, nous voyons l'eau appli-
qnée comme moteur \
A quatre heures, nous amvons enfin au premier temple; nos domestiques, qui nous avaient précédés, ont déjà tout préparé pour le dîner. L'intérieur de l'édifice est propre et 2îU bon état ; les dépendances extérieures sont remplies (quel- ques-unes du moins) de pièces de bois de construction, ap- partenant, nous dit le gardien, au général Ma Ju-lung. Un Srand bassin, d'où jaillit une source limpide et abondante, ï'^nferme une quantité de poissons de toutes les grosseurs; ^ous leur jetons des grains de riz sur lesquels ils se préci- pitent avec voracité. Ces poissons sont considérés comme ^^rés. A quelques pas de ce réservoir, coide ime source 4' eau minérale presque chaude et non gazeuse, mais d'im 8^ût acidulé; malgré sa température élevée, elle ne parait avoir aucune qualité médicale.
Bien que depuis quelques mois nous soyons rompus aux tribulations d'une vie nomade et accoutumés à coucher sur ^ dure, notre arrivée dans la capitale semble nous avoir rendus plus exigeants, car les lits qu'on nous a improvisés sont si durs et si secs que nous en sommes presque à regretter
' A Yang-lin C^ tt)» ^^"^ avions déjà vu des roues hydrauliques hors d'usage et des exploitations abandonnées.
106 DE YCN-NAN-FU a CHÊNG-CHIANG.
les grabats des auberges du Kuei-chou et du Ylin-nan, où il était toujours facile, moyennant une faible rétribution, d'ob- tenir le luxe de quelques bottes de paille fraîche. Enquête faite, nous apprenons que les domestiques, n'ayant trouvé dans l'établissement que des bottes d'herbes sèches coupées dans la montagne, en avaient composé notre coucher en éten- dant les couvertures par de3sus.
A cette époque de l'année, les nuits ne sont déjà plui froides et le printemps s'annonce par quelques beaux joîucrrfl qui font revivre la nature. Le soleil, dès son lever, no^i^ô caresse de ses rayons obliques, et nous nous empressons ^^^ quitter une couche où nous avons cependant réussi à goû-'^fc^ï le repos.
Ce matin de bonne licure, quelques bonzes d'un ten^;^?^^ voisin, secouant leur indifférence habituelle et poussés jr^^^r la curiosité, viennent nous faire visite, et, après nous av"^=^^ questionnés sur l'usage de tous les objets qu'ils ne conna»^*^" saient pas, nous invitent à aller voir leur petit jardin, o\ disent-ils, deux arbres seulement ont été épargnés. Ce soi venir leur rappelle les vexations qu'ils ont subis de la par^^ des rebelles : ils nous en font le long récit, mais nos oreilles ^ sont tellement rebattues des histoires de ce genre que nous leur prêtons peu d'attention. Le jardin en question confine au bâtiment que nous habitons ; quelques pots de fleurs fanées et deux magnifiques camélias sont, en eifet, tout ce qu'on y trouve; mais si l'ensemble manque d'entretien, la vue est largement, récompensée par les innombrables fleurs et bou- tons doubles, rouge et blanc, plus ou moins ouverts, qui se balancent à ces arbres dont la hauteur atteint au moins cinq mètres. Ces prêtres de Bouddha paraissent très fiers de leurs arbres et en prennent le plus grand som. Il est
VISITE AU TEMPLE DE CUIVRE. 107
'Tai que cette attention n'est pas précisément désintéressée: iès que les boutons sont bien développés, ils les coupent pour les offrir aux grands mandarins qui, à leur tour, font un cadeau en argent à celui qui les porte.
Les temples, quoique ayant logé des troupes rebelles, n'ont oas souffert; tout y a gardé le cachet pittoresque que les 'hînois, avec leur goût naturel, savent si bien distribuer. ^ans le bois, au milieu des chênes et des sapins sur les- lels gambadent une foule d'écureuils, on rencontre également autres essences, telles que le Huang-lien-fou (^ ^ gg)
le TzO-you-mu (g ^ ^), espèce de gaïac particulier L Yiin-nan^ Tout ce paysage est charmant, et, d'après ce le nous disent les bonzes, on y voit en temps ordinaire de ^nibreux visiteurs, surtout des lettrés qui aiment à méditer à ^rnbre des massifs. Les gardiens de ces saints lieux, loin être las de cette curiosité, en sont enchantés au contraire, lîeque grâce aux offrandes qui en résultent pour eux, elle îxi; à accroître leurs moyens d'existence.
Les sectateurs du Coran doivent avoir été sans pitié pour ft» bonzes et les Tao-shih, car ce n'est qu'à de rares inter- valles et dans les grandes villes que l'on rencontre des prêtres de ces cultes.
Sur les collines, à 5 lis au nord-est de la capitale, est
situé le temple de Tsu-shih (jjg^ gjp). Cet édifice, qui date
in dix-septième siècle, est tout en cuivre : pas la moindre
parcelle de bois n'est entrée dans sa constniction ; tuiles,
[wrtes, fenêtres, etc., tout est du même métal. Il est difficile
' Ces deux espèces d'arbres ont de petites feuilles d'un vert brillant par
eaeas et mat par dessous; avec le temps elles atteignent des proportions consi-
érables ; Tune et Tautre sont d'un bois très dur. Le premier, quand il est exposé
Tair, prend une teinte jaune; le second est veiné comme le gaïac et aussi
distant.
108 DE YtN-NAN-FU A CIIÉXG-CHIANG.
de savoir quel est le mobile qui a inspiré un travail artis- tique (le cette singularité et aussi coûteux. A notre connais- sance, il n'existe en Chine qu'un autre spécimen de ce genre, mais de plus petites dimensions, c'est le temple élevé sur un des versants de la colline de Wan-sbou-shan (^ ^ \ï\\ à Pékin. Il est possible que, l'industrie minière florissant à cette époque au Yiln-nan et durant une paix profonde, les mineurs et les artisans de la province aient voulu donner à Bouddha un témoignage de leur reconnaissance en lui con- sacrant un temple tout en cuivre. Cette hypothèse, qui parait être la plus logique, est vigoureusement combattue par un grand nombre de personnes autorisées, qui prétendent que la matière ainsi que les frais de construction ont été payés en partie par le gouveniement à titre de don, et en {partie par une souscription publique entre les négociants et industriels. On célèbre dans ce temple une fête particulière : au cin- quième mois, les artisans, laboureurs et travailleurs de toutes sortes, y vont en grand nombre porter des offrandes. Avant la rébellion, ce pèlerinage était en vogue, aujourd'hui il e^t tombé en désuétude et les dévots préfèrent se rendre à Hei- lung-t'an, dont le site, plus vaste, est beaucoup plus pitto- resque.
Nous quittons Hei-lung d'assez bonne heure, le 4 de la première lune, afin de terminer nos préparatifs pour nous embarquer le lendemain, ainsi que nous l'avait fait espérer ^[a I-chaug. Il avait hâte, d'après les ordres qu'il avait reçus de son beau-frère Ma Ju-lung, de nous voh: en route; mais tous ses efforts pour nous procurer un bateau restèrent infructueux : réquisitions, offres avantageuses d'argent, rien ne put ébranler la paresse des bateliers. Il est juste d'ajouter
RETOUR A LA CAPITALE. 109
que, n'ayant pas eu, depuis bien des années, la satisfaction de célébrer en paix les fêtes du nouvel an, tout le monde, même les négociants, était enclin à en prolonger les plaisirs. Enfin, après deux jours d'attente, un bateau venant de K'un-yang pour faire des achats, fut réquisitionne et, bien que d'ordinaire on ne passe le lac que la nuit à cause du vent qui règne le jour, nous fîmes embarquer nos bagages de très bonne heure et, à dix heures du matin, nous fran- chissions les remparts de la cité.
CHAPITRE IV
ITINÉRAIRE DE YÛN-NAN-PU A H8IN-HSING-CH0U
DE YUN-NAN-FU A HSIN-HSING-CHOU
7 mars 1871. — Ce ne fut \mH sans peine que nous l)ar\inmes h sortir du canal qui conduit au lac, tant il était encombre de bateaux de plaisance richement décorés qui attendaient l'arrivée du vice -roi. Ce haut personnage pro- fitait des fêtes du jour de l'an pour aller faire une promenade sur le lac et dîner ensuite au pavillon de Huang-hua-lou* oîi il avait invité un grfind nombre de fonctionnaires et de mandarins en disi)onibilité. Tout à fait à la tête du convoi, une barque plus élevée et plus grande que les autres, au mat de laquelle flottait le pavillon du vice-roi, avait à bord c^uelques mandarins occupés à surveiller les préparatifs de' départ. Cette plaine de Ivun-ming; d'habitude si tranquille, était couverte de milliers de curieux qui étaient venus des environs pour assister au passage du cortège.
On compte, depuis la capitale jusqu'à Kiin-yang-chou, 120 lis; ils sont, en général, franchis dans l'espace d'une nuit par les bateaux que le négoce attire dans l'une ou Tautrc ville. A moins de cas pressants et aussi pour écono- miser le temps, on traverse rarement le lac de jour, h cause
* (.-ette mais(»n rlo campaj^nc l'ut bâtie par Ma Ju-lung^ pt^ndant sa dictature; eUe est située à reutrce du hic.
114 DE YtÎN-NAN-FU A lîSIN-IISLNG.
(lu vent violent qui y rèjçne; mais aussitôt que le so décline h l'horizon, le vent tombe pour s'élever de nouve: dés le lendemain matin. Ce jour-là cependant, nous fûi». particulièrement favorisés : le ciel était couvert et une bo brise du nord-ouest, qui amena de la pluie, seconda no marche.
Ce lac, l'un des plus grands du Yiln-nan, est très profo il founiit de poisson toutes les localités environnantes, u seulement les villes, mais la plupart des ^^llages dispe h l'est dans la plaine. Les montagnes qui bordent ses ri à l'ouest s'abaissent graduellement jusqu'à Haï-kou (j^ bourg situé à 30 lis au nord de K\m-yang; près de les eaux du lac se déversent dans une petite rivière q passe à An-ning-chou, continue sa course au nord et fii^ par se réunir au Cliin-sha-chiang ou Yang-tzti.
lîàtie sur le versant oriental d'une colline isolée, la vilï de K\in-yang se trouve au point de jonction de deux chaîne?^ de montagnes; l'une côtoie le lac, comme nous l'avons vu, l'autre part du nord-est de la capitale, décrit un grand arc de cercle et vient presque se joindre à l'autre, ne laissant entre elles qu'une étroite vallée. Sa position géographique au milieu d'un pays florissant fait de cette ville une sorte
■
d'entrepôt, oii viennent s'accumuler tous les produits de la frontière du Laos, des districts de Yuan-chiang, de Pii-erh-fu, etc., pour eti'e ensuite dirigés par eau sur la capitale et les villes du centre. Occupée par les rebelles, son commerce se ralentit sensiblement, et depuis 1870 qu'elle est rendue aux Impériaux, elle n'a pu reprendre son importance d'autrefois. L'intérieur, en partie en mines, offre l'aspect d'une soli- tude; la classe laborieuse que la révolution a chassée n'est pas encore venue réclamer ses droits. Dans les faubourgs,
116 DE YÛN-NAN-FU A HSIN-HSING.
nombre d'iiommes de coi-vée et six chevaux, s'ils nous sont nécessaires. Ce genre d'organisation réduit beaucoup les ba- gages des militaires en voyage et permet d'exécuter des mouvements assez rapides, surtout dans cette province où les transports se font presque tous à dos de mulet.
8 mars. — Nous quittons Kun-yang à onze heures du matin. La chaussée, d'abord très large, se rétrécit peu à peu et finit par n'être plus qu'un j^entier qui court entre des rizières et des champs de pavots. Pendant 15 lis environ, on suit la petite vallée, flanquée d'escarpements arides; lui cours d'eau, venant de l'ouest, du côté d'I-mên, l'arrose en diagonale. On ne tarde pas à le quitter pour prendre sur les hauteurs un chemin rocailleux. Le spectacle habituel de fortins ruinés et d'habitations en désordre n'a cessé de s'étaler sous nos yeux. Au tournant des collines, la nature change de physionomie : les tenains arides de K\in-yang font place à des montagnes boisées, où la végétation paraît vigoureuse. A gauche de la vallée, paimi des touffes de bambous et des chênes, pointent les toits de quelques hameaux. Tout ce côté semble avoir bien moins souffert que le côté droit, où passe la ^ route : là règne un affreux désordre. Un temple qui s'élève:^ au pied d'une colline est le seul édifice en bon état; 1^ théâtre, qui lui fait face, n'a pas éprouvé trop de dommage^^ Chaque année, avant la rébellion, les propriétaires campagnarc^ $ et les habitants des envii'ons venaient dans ce lieu se réjoi^^i et fêter ensemble le succès de la récolte ; ils faisaient ver^ii de la capitale une troupe d'acteurs, qui jouaient les pifee^o en vogue au son de leur musique assourdissante. Les arl>n: séculaires qui embellissent les approches du temple, ^^i source d'eau vive qui jaillit h l'entrée du bois font de e
H8IN-KAI. 117
endroit une charmante oasis où le voyageur goûte un moment d'agréable repos.
Près (le Hsin-kaï (^ ^), beaucoup de terrains sont en friche; les habitants, la plupart I-jên, ont été décimés par la peste, et une partie d'entre eux ont abandonné leiu's demeures pour aller sur les plateaux attendre la iîn de T épidémie.
Dans le fond de la vallée, au milieu d'une atmosphère brumeuse, on aperçoit le village de Hsin-kaï; nous y arri- vons à trois heures, après avoir essuyé plusieurs averses. Ce village, en quelque sorte perdu dans les bois, est entouré Ae fortifications en terre; mais, sentant qu'il ne pouvait résister aux troupes rebelles, il a jugé prudent de leur ouvrir ses portes; de cette manière il a échappé à la destruction. Nous sommes logés dans une auberge assez malpropre, oîi une dizaine de pauvres musulmans venant de Hsin-hsing ont mis pied à terre : c'est une famille entière qui retourne dans ses foyers du côté de Chao-tung, et qui en est encore éloignée d'au moins huit jours de marche.
9 mars. — Nous quittons Hsin-kaï au matin, par un ciel gris et un temps froid et humide. La porte du sud \ par laquelle nous sortons, est encore en partie barricadée; on monte une pente très douce et l'on arrive, 2 lis plus loin, à un village d'I-jen appelé Tieh-liu-kuan (^ ^ ^). Les habitants, quoique d'apparence pauvre, ont des maisons assez vastes; ils exploitent les bois et font un peu de culture dans
Les Chinois donnent des noms aux portes et aux barrières sans s'occuper
^c limix)rtance des lieux. Nous avons vu des hameaux composés seulement «Vunc
ngtaine de masures, dont chîujue porte ou barrière avait son nom respectif. Au
^'^^ depuis les débuts de la rébellion, tous les villages, petits ou grands,
^^ entourés de remparts en terre.
1 18 DE YÛN-NAN-FU A HSIN-HSING.
la vallée. A trois ceuts mètres plus liaut, uii temple, nou- vellement restauré, s'élève sur le faîte d'une colline : c'est le point de partage des eaux du bassin de K\m-yang et de Hsin-hsing-cliou. A partir de là, on descend presque à pic dans un ravin profond au moyen d'une suite d'escaliers de pierre, au bas desquels prennent naissance deux petites sources, formant un des cours d'eau dont la plaine de Hsin- hsing est arrosée. Dans cette gorge, la température est sensiblement plus chaude, et de chaque côté les montagnes sont très boisées; dans les clairières, les I-jên ont défriché le terrain et y ont établi des lizières. Le cours du ruisseau au milieu duquel nous chevauchons est très tortueux; \La reçoit plusieurs affluents avant d'entrer dans une vallée, ï^ l'entrée de laquelle est bâti le village de Tzù-tung-kuan là est une douane \ qui forme la limite entre les disti'îct de K'un-yang et de Hsin-hsing-chou.
La route, point trop malaisée jusqu'ici, présente quelqu difficultés, car le ruisseau est considérablement grossi et 1 montagnes, en s'élevant, sont entrecoupées de vallons, récolte de fèves ou de blé, qui, sur le plateau de Hsin-k est encore en vert, est ici prête à moissomier. Entre deu montagnes boisées, on aperçoit un village musulman, partie ruiné, et, sur la route qui longe ces ruines, où d marchands ambulants vendent sous une tente aux rar< passants du thé et de la camie à sucre, deux têtes fraîch ment coupées se balancent au bout de longues perches.
> Cette douane fut établie en 1870 par Ma Ju-lung pour faire face aux dèiyen»- de l'expédition qu'il préparait contre Hsin-hsing et Tung-k'ou. Elle a été si*- primée en décembre 1873, de sorte que les marchandises venant du sud, c'est-à-d£ de Ytian-chiang et du Laos, n'ont qu'un droit à payer à Hsi-o-bsien et peuve- aller ensuite en francliisc jusc^u'à la capitale.
TA-YING roU. 119
Vlu8 011 avance, plus la culture augmeutc, et les hameaux
^^^*eudiés sortent peu à peu des décombres. De K\in-yanj;j
Jusqu'ici nous n'avons aperçu qu'une qualité de riz rouge;
diaprés les indigènes, cette espèce est bien plus productive
^t plm vigoureuse que celle du riz l)lanc, par conséquent
^Ue résiste mieux aux intempéries et aux vents qui régnent
^ttr les plateiiux. Entre les montagnes, oii le terrain est
plus fertile, on cultive une petite quantité d'indigo et des
^a^ehides.
-A. mesure que nous avançons, les villages sont plus pressés,
^* vie devient plus active et les convois qui vont et viennent
ïïoxis indiquent rapproche d'une ville. Les montagnes, (^ui
Jii^^sqiie là avaient fermé l'horizon, s'écartent, et bientôt, du
na,iie de la colline oîi monte la route, on peut admirer le
^1^ armant coup d'œil que présente la plaine de llsin-hsing.
"^l>ri;s quelques lis de marche à travers des hameaux en
^^^îiies, oii des arbres sont seuls restés debout çà et là, nous
^i^îvons au village de Ta-ying-tou (3^ ^ §g), appelé aussi
^^^ nom générique de Chiu-ts\in (^ ;(^), parce qu'il fait
Partie des neuf localités musulmanes qui occupent la base
^^^îs montagnes de l'esté Au fond d'une gorge aux falaises
^^e^irpées coule une petite rivière, qui inonde toutes les
^i^^îères, passe au midi du village et arrose dans son par-
^*o\v^ uiie partie de la plaine (qu'elle traverse en diagonale.
'-^^^ plantations d'arbres fruitiers de toutes sortes couvrent
^^ hauteui's au pied desquelles les bourgades musulmanes
^^^ Tung-ying (^ ^), Hsiao-tung-ying (/J> ^ ^), Ta-hsi-
* De tous les villages inusuliiiaiis de la plaine, Ta-yiug-fou est le plus iinpor- *^^t : il abrite environ deux cents familles et est défendu par une ceinture de ^^**^t»rtô en pierre. C'est là que Ma Tê-hsinf:: vint fixer sa résidence quand il ^^^tta la capitale.
120 i>E yCn-nan-fu a hsin-hsixg.
yî"& (^ ffi ©)i Hsiao-lîsi-jiiig (yj> |g ^), Yao-tzû-yiu^^ (JH -^ ^ j, Ta-ying-t'ou et plusienrs autres, dont les nom^*^ nous échappent, sont construites.
Derrière Ta-ying-fou, il y a une source d'eau minérale gazeuse, que les gens de Tendroit emploient beaucoup contre les affections de Testomac. Au cinquième mois, c'est-à-dire à répoque où commence la plantation du riz, les paysans accourent en foule, de tous les coins de la plaine, boire cette eau, à laquelle ils attribuent la propriété d'éloigner les maladies et surtout la peste, qui se montre vers cette époque de Tannée et exerce des ravages considérables.
A 4 lis plus loin, presque à l'extrémité septentrionale de la plaine, on trouve le bourg de Pei-chêng-kaï (:(ji ^ ^), où, tous les deux jours, une foire amène une partie consi- dérable de la i)opulation. Depuis l'occupation de Hsin-lising par les rebelles, tout le commerce de la plaine s'est trans- porté dans cette localité : occupée plusieui*s fois, elle a été livrée au pillage et aux flammes. Sa position au centre d'un grand nombre de villages lui a penuis de se relever rapide- ment au point d'effacer en peu de temps les traces des ravages que la guerre y avait causés. Un octroi, également établi par le Tl-f aï Ma Ju-lung \ perçoit des droits minimes sur toutes les marchandises locales. Le sel qui entre dans le district paie trois dixièmes de taël par charge de cheval ; environ un demi-taël est aussi jierçu sur le coton qui vient de YUan-chiang. Ce dernier produit, considérablement augmenté par les frais de transport, valait en 1872, sur le marché de Pei-chéng-kaï, 32 taëls et demi les cent livres chi- noises. Tous les villages de la plaine, quels qu'ils soient,
' Cet octroi a été suppriinû vu ls73.
CHIU-LUNG-CHIII. 121
ont des foires, où iiu octroi fonctionne dans les mêmes con- ditions.
En traversant la plaine de l'est à l'ouest, on trouve, au bas des montagnes, un grand temple appelé Cliiu-lmig-clilli (^ iH î&)i remarquable par le gracieux paysage qui l'en- vironne. A la base même du bâtiment principal coide une source d'une extrême abondance : elle sort en bouillonnant entre des rocliers, et se dirige vers l'ouest de la plaine, qu'elle arrose sur une longueur de 10 lis avant de se joindre aux autres cours d'eau qui ont des points de départ diffé- rents. Cette source, qui forme à elle seule une petite rivière, n'est, paraît-il, que le tiop plein du lac de K'un-yang, qui filtre à travers les hauteurs et vient se déverser en cet en- droit. Des savants chinois, pour se rendre compte du fait, auraient jeté dans le lac à K'un-yang une grande quantité de résidus du décorticage du riz, et cette matière, au bout d'un certain temps, aurait trouvé une issue par la source; jvisqu'à quel point cette anecdote est vraie, nous ne saurions le dire.
La production du district est très importante. Le riz, le Wé, les fèves, les fruits de toutes sortes, les graines oléagi- ûeuses, l'opium, l'indigo, etc., y sont cultivés en grand; la ^iine à sucre y croît aussi, mais en petite quantité, et, comme 0 faut près de deux ans à cette plante pour se déve- lopper, elle n'est pas soumise à un traitement particidier. La nature du sol est si féconde qu'à peine le riz coupé, ^e autre récolte de blé, de fèves ou de moutarde^ est sur W^ et prête à récolter vers la fin de l'aimée. La popula- tion de ce district est douce, active, hospitalière et surtout
^ Cette plante a pris beaucoup d'extension ; la graine est vendue aux marchands d'huile, qui en fabriquent une qualité plus appréciée que celle d'arachides.
122 DE YCN-NAX-FL' a HSIN-HSINU.
commerçante; c'est peut-être la seule régiou de la pro\niic= où les gens du Chiang-hsi (commerçants par excellence qiL Ton rencontre partout et dont la réputation d'habileté es établie dans tout l'Empire) n'aient pas réussi à prendre pied aussi cette quintessence que les gens du pays savent tire du négoce leur a valu le nom de Hua-ni-ch iu * (^ ^g jj^
Bâtie presque à l'extrémité orientale de la plaine, la vill de Hsin-hsing, bien que rendue aux Impériaux depuis 187( n'a encore repris ni son rang, ni son commerce et atten avec impatience que ses quartiers se remplissent. Sur quatr portes, deux seulement sont ouvertes à la circulation; le autres sont bamcadées avec les sacs de terre comme si 1 siège venait de finir. Ses rues sont larges mais désertes une grande partie des maisons sont en ruines et on eu voi quelques-unes de crénelées.
Depuis que nous sommes dans cette ville, nous avon constaté durant nos excursions la rareté de la populatio masculine, tandis qu'au contraire les enfants sont ti*ès nora breux. Un des Kuan-shik (notables) auquel nous demandon l'explication de cette pai-ticularité, nous apprend que presqu tous les hommes valides ont pris les armes et se trouvent Kuan-shan sous les ordres de Ma Ju-lung. Les femmes, e assez grand nombre, se cachent à notre rencontre comme s nous leur inspirions de la frayeur, mouvement auquel, d reste, nous ne faisons plus attention et qui rcnti-e tout-à-fai dans les habitudes de la civilisation chinoise. Au niomeii de notre passage, la ville, d'après le recensement opéré pa
> Poi88on qu'on trouve dans les rizières avant la plantation du riz et dont h Chinois sont très friands; il est tellement glissant qu'on a beaucoup de peine lo prendre. De là l'origine du nom Hua^-dCiu,
USIN-IISING-CHOU. 1 23
les KuuH'shîh, ne comptait pas 2,000 âmes, au lieu de 30,000 qu'A y avait avaut Foccupation.
Un fait que nous avons observé depuis notre entrée dans le Yiin-uan, c'est que les villes sont, en général, peu peuplées, mais, comme elles sont toujours situées en pays plat, ou du moins à proximité des plaines que couvrent de nombreux villages où ont lieu des foires à un jour fixe de la semaine, les indigènes préfèrent se tenir en dehors de la cité, ce qui leur peiinet de vaquer à leurs occupations à n'importe quelle heure de la nuit, sans aucune difficulté. Presque au centre de Hsin - hsing - chou, dans la partie est, une grande niOîsquée a été construite avec le produit de souscriptions re- cueillies par les soins du chef Tien ; c'est le seul édifice qui n'ait pas souflfert. Dans la même enceinte est renfermé- le temple de Cheng-huang-miao (^ 5É ^)? d'origine ancienne, mais aujourd'hui complctemet délabré. De ce côté, les rem- parts sont dans un piteux état : les briques, rongées par le salpêtre* que contient la terre, tombent en poussière.
Aujourd'hui, premier de la lune, il y a marché au bourg de Ta-yiijg-kaï (^ ^ ^), situé à 15 lis à Fouest de la ville. ^^Uïs profitons de la belle journée et du peu de temps qui ^11 « reste à passer ici pour aller y faire une excursion. Dès le matin, les sentiers qui conduisent à Ta-ying-kaï sont encombrés de marchands ou d'acluîteurs ; sur celui que nous Sïiï^vous, il y a aussi de braves vieilles femmes qui, malgré
^ Pendant roccupation musulmane, le chef rebelle, ayant eu coumiissance do ^ '^i^ture de ce terrain, monta une espèce d'usine et y lit traiter les terres par Uvagtis; il en retirait ainsi une (luantité considérable de salpêtre, plus (jue suffi- w^te pour ses besoins, et vendait le surplus aux chefs des environs. La ville P^^^ï Ma Ju-lung, voulant se procurer sa iM)udre lui-même, lit c(mtinuer cette ex- ploitation, qui a été abandonnée depuis.
124 I>E YCX-N\^-FL' a HSIN-ILSIXi;.
la Hriuffraiice que la marche cause à leurs petits pieds, s craignent pas de faire à pied 10 à 15 lis pour aller s'a] provisionner au marché. L'entrée du bourg présente un aspe bizarre : les uns mènent des buffles, des l>œufs, des cocboi ou tout autre animal domestique, les autres portent des chaise des tables, des armoires, etc., d'autres encore des céréal ou des graines de semence. Les chaudronniers, avec leu soufflets et leur attirail d'outils qu'ils portent sur Fépaul ne manquent pas une si belle occasion.
Dans les rues, chaque catégorie de marchands a sa pla* désignée d'avance par le mandarin préposé à Toctroi. To ce que produit le district figure sur le marché, depuis buffle et le i>orc jusqu'à l'oiseau qu'ils appellent Hua-m (Wt M) ^^ ^1^^ 11^^^ connaissons en Europe sous le n(i iVaUmette de Mandchoiirîe. On y trouve aussi des caill vivantes qu'ils gardent à l'abri de la lumière pour les fai battre entre elles; ce genre d'amusement est très en vogi et sert quelquefois de prétexte à de gros paris. En fait < tissus, nous ne voyons aucune marque européenne, mais 1 pièces de cotonnades^ appelées Ho-hsi-pu (|f^ g| ^), do la longueur est environ de trente pieds chinois sur un c large et qui valent 1 taël à 1 taël 30 (7 fr. à 9 fr. 10 c sont en grande faveur. D'après les renseignements que noi fournissent quelques marchands et le mandarin de l'octrc il arrive d'Europe peu de lainages et de cotonnades, h marchands allant eux-mêmes, faire leurs achats à la capital Sur un banc, parmi des capsules avariées, des aiguilles e ropéennes et une foule d'objets de quincaillerie chinois nous apercevons quelques boites d'allumettes étiquetées Safc
^ Les cotonnades du district de Ilo-hsi-hsien sont renommées dans toute province par leur finesse ainsi que par la durée et la régularité du tissage.
RETOUR A HSIN-HSING. 125
matchy de provenance allemande; on en demande 50 grosses aapèques par boîte avec garantie que chacune contient quatre- vingts allumettes; afin d'en connaître le prix réel, nous les faisons marchander par nos Chinois, qui les obtiennent à 35 g^randes sapèques.
Au milieu de cette foule affairée, les Chinois, les I-jên et
les Musulmans présentent un aspect original. Pour la seconde
fois, il nous est donné d'examiner avec attention les I-jên:
<*es montagnards descendent dans les plaines pour vendre
dos pommes de terre, du sarrasin, du maïs, du charbon de
l>oÎ8 et quelques arbres et bois d'agriculture dont ils se
8^i^"vent pendant la morte saison. Les mœurs, les coutumes
^t le langage de ces tribus diffèrent entièrement de ceux des
GliÎTiois. Parmi les villages bâtis sur les hauteurs qui bordent
^^ plaine de Hsin-hsing, on rencontre des Lo-lo noirs, qui
^"î^nnent des montagnes situées au nord de la capitale ; mais
l^nr nombre est si restreint qu'on ne saurait les confondre
^vec les indigènes de ces districts. Les femmes Lo-lo, de
^ï^Ciiie que celles du nord, sont robustes; elles courent les
foires, chargées comme des betes de somme, et aident leurs
lïiaris dans les travaux des champs.
Dès que le soleil décline à l'horizon, les débitants em- pilent leurs marchandises et chacun se dirige paisiblement vers sa demeure ; le départ du marché est aussi curieux que ^arrivée. Ceux qui se sont attardés dans les fumeries d'opium ou dans les cabarets causent avec bruit en marchant et quelquefois même perdent l'équilibre.
A notre retour, Ma Chiuig qui nous attendait, nous in- forme que Ma Ju-lung, ne pouvant revenir en ville, nous prie d'aller le rejohidre.
12C I»E YfX-NAN-rU A HSIN-nSI»;.
Xoîu; qnitt^nii^ Hj!iîn-hi?nig-<-hoii nn jour de la première lun- fmars IsTl l à deux heures de rapres^-mîdî. La route passe pendant 10 lis enviivin. à Test de la plaine, en partie ei friche. Encore des vQIages en mines et. à chaque passag important des fortins pour en défendre les abords. Non montons une colline en pente douce, qui sépare la plaine d Hsin-hsing de celle de Hou-i-hsiang. Sur cette hauteur, le habitants du district ont établi une espèce de camp retranche où ils entretiennent à leurs frais un certain nombre de sol dats pour défendre Taccès de leur territoire contre les rebelle de Hsin-hsing: grâce à cette pR^aution. ces derniers n'or jamais pu pénétrer dans ce petit pays.
Sur le versant méridional de la colline, un paysage ravi.* sant se déroule devant le voyageur : les montagnes presqu pelées qui bornent la plaine font place à des érainence très boisées: chaque village est masqué par des massifs d verdure; de longues et sinueuses rangées d'arbres indiquer le cours des ruisseaux : partout la campagne est parfaiteraen cultivée. Au débouché d'un vallon, nous arrivons au ^^llag de Ku-chêng ( -jj^ |JJ). Les habitants ont profité de sa j>osi tion élevée pour y élever des fortifications. Tout y est propr et en ordre: la population, de race homogène, se conij>os de 40 à 45 familles, qui paraissent jouir d'une certain aisance.
Wu Kuan-shih (j^ ^ ^), informé de notre arrivée, non reçut très cordialement et se mit à notre disi>osition. Ayaii appris notre désir de voir ila Jn-lung, il nous dit que 1 général avait quitté ce village depuis quelques jours et s'ol frit à nous accompagner jusqu'à Liang-haï-ts'un, lieir d son quartier général. Bien que la distance qui sépare le deux IiK^alités ne soit que de G lis, il était nuit quand non
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atteignîmes le village. Dès que nos cartes lui eurent été présentées, Ma Jn-lung lui-même vint nons recevoir à la porte arec rnie amabilité et nne bonhomie rares chez un fonction- naire chinois. A peine avions-nous eu le temps d'échanger les politesses d'usage et de lui faire nos compliments sur le succès qu'il venait d'obtenir contre les rebelles, qu'il nous pria de passer dans un local voisin, oii il avait fait servir on repas. A dix heures, pensant que nous avions besoin de repos, il nous accompagne jusqu'au logement préparé à notre intention.
Wang Tu-ssù, dans la maison duquel nous recevons l'hos-
Pîtalîté, est le chef immédiat des I-jên de tout le district.
^ïi père, originaire de Nan-king, descendait d'un de ces
noTOl)reux soldats de fortune qui, durant le seizième siècle,
^ attachèrent au conquérant Wu San-kuei et, par la suite,
^ établirent dans le pays. En récompense des services rendus
J^^îs par ses ancêtres dans la soumission de la province, le
ffoiivemement impérial octroya à sa famille le titre héréditaire
^*^ Commandant (J^ ^). Ce chef, îlgé seulement de vingt-
^^^cj ans, quoique habitué à vivre au milieu de ses subor-
^^^nés, a des manières très distinguées, la physionomie
^^"^nante et douce; son teint plutôt pâle que bronzé lui
^ ^"^ne on air féminin, et il est si timide qu'il répond à peine
^^^ questions qu'on lui adresse.
XiC village de Tung-shan, qui sert passagèrement de quar- ^^^ général à Ma Ju-lung, n'est distant que de 30 lis de ^ ^Xng-haï, l'un des foyers de la résistance des rebelles; malgré ^^ dangereux voisinage, la population de la vallée de Liang- "^^-ts'un, où nous avons provisoirement fixé notre résidence, ?^Taît peu s'occuper de ce qui se passe autour d'elle et Continue H vaquer à ses occupations journalières. Après n'avoir
128 DE YCN-NANFU a HSIN-HSING.
eu sous les yeux que le spectacle des ravages faits par la guerre civile, ou est heureux de les arrêter sur ces endroit» favorisés. Dans les hameaux de Ku-ch'êng, Tung-shan ( j^ \}\\ Liang-haï-ts\in (^ j^ j^ij-), Hun-shui-tan (j$;|C^), et<;., les maisons sont en bon état et bien construites.
Depuis quelques jours, on fait de grands préparatifs pour célébrer la fête de Ma Ju-lung, qui se trouve être le 24 de la première lune. La coiu- de la maison qu'il habite a été transformée en théâtre ; tous les jours, des wei-yuan^ envoyés l)ar les hautB fonctiomiaires ou par ceux que les affaires retiennent chez eux, apportent des lettres et le cadeau tra- diti(mnel, dont la valeur varie selon le rang et la fortune du donataire. Comme il est impossible au général de rece- voir tous les fonctioimaires qui accourent à l'envi pour lui présenter leurs compliments, une tente particulière a été dressée à l'entrée de la porte, et là son aide-de-camp reçoit les visiteurs et fait inscrire leurs noms sur un livre destiné à cet usage; les cadeaux sont mis de côté et marqués du nom du donateur. Cette cérémonie terminée, les Wsîteurs sont introduits par des officiers dans la salle du banquet; autour d'un grand nombre de tables ils prennent place à un repas, dont le service continue toute la jouniée ; pendant ce temps, une troupe de comédiens joue siu- la scène impro- visée les pièces en vogue. De tous les coins du district les paysans et les montagnards sont venus en foule, non pas précisément pour offrir leurs hommages à Ma Ju-lung, mais bien pour assister aux représentations théâtrales, dont tout le monde raffole. Les rebelles aussi veulent profiter de la fête du général pour obtenir des conditions moins dures, car ils ont député des notables pour faire des propositions, qui ne sont pas acceptées ; le général ne les accueille pas moins
SÉJOUR A TUNG-SHAN. 129
^ec cordialité et, pour se montrer plus libéral avec eux
fa ne Test en réalité, il les invite à passer la journée à théâtre. La semaine de fêtes terminée, chacun retourne
ses affaires, et Ma Ju-lung lui-même va planter sa tente ta milieu de ses troupes afin de hâter les opérations mili- ^teires.
Durant notre séjour dans ce disti'ict, nous profitons de Fobligeance toujours empressée de Wu kuan-shih et de Wang tu-ssû pour aller visiter les mines de fer des environs. A 10 lis au sud de Tung-shan, dans une gorge rocailleuse au fond de laquelle coule un petit ruisseau, nous trouvons deux exploitations abandonnées depuis quelques années ; le minerai d'oxyde de fer qui se montre à l'entrée de la galerie supé- rieure parait de très bonne qualité et, d'après le dire des I-jên qui habitent près de là, la couche en est considérable. Le manque d'argent et le besoin d'une force motrice plus puissante ont fait abandonner les travaux. D'autres gisements à peu près semblables sont dispersés dans les environs, mais aucun d'eux n'est exploité.
Notre intention étant de visiter les fabriques d'acier de Lao-ln-kuan (^ '^ H) ^^ n'étant retenus par aucune affaire importante, nous décidons d'entreprendre cette excursion. Wu kuan-shih nous remet les recommandations nécessaires pour les localités que nous avions à traverser et nous envoie des guides.
De Tung-shan à Hsi-O-hsien (^ ^ ^) on compte 35 lis. La route, au sortir du hameau, se dirige vers l'ouest, tra- verse une partie de la plaine et contourne la base d'une colline dans un vallon planté d'arbres fruitiers; parmi les poiriers, pommiers, cerisiers, pruniers, pêchers, etc., nous
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renwirf|TiOTw de» chàtaîgnien^. le^ premiers que nocLs voyons 'ItrpTiw notre arrivée aa Yun-oan. Aa Djiimanr île la colline, nf>iw arrivons aa bameaa de Han-^^hni-tan '. *L>nt le:* mais^ins ATint en jrrande partie dUpiji^ées de façija à abriter les chevaux de pai^Ha^e: nn bureau de d«>oane. liiri^ par un mandarin de Ma Ju-Iung. perçoit le* Aïoité àur Ie« man^hanilisïes en traniiit
En ï^^irtant du village, on ne tanle pa» à monter les col- Hneii siur le^quelle^^ quelques carrières de pierre à plâtre ont <H<' exploitées et abandonnées pour d'autres plus pn^ductives, situées un peu plus à Touest. La route est assez accidentée: par d jiar là, dans les vallées, on traverse des villages d'I-jén et partout on croise des groupes d'aborigènes chargés de provisions qu'ils portent au marché de Ku-chéng: une femme, entre autres, tient à la main un magnifique faisan lady Aniherst qu'elle refuse de nous vendre sous prétexte qu'il est destiné au Tu-ssû de Tung-shan. Nous déb«>uchons bientôt dans une jolie vallée où tout a conservé l'empreinte sévère de» luttes que le peuple a eu à soutenir contre les bandes de maraudeurs; les cimes des mamelons sont encore hérissées de fortinn, les maisons situées à l'entrée de la vallée sont entourées d'un système de défense, et des meurtrières sont pratiquées dans les murs. Tous ces travaux, nous disent les habitants, ont été élevés contre les rebelles de Tung-kbu, qui, prévenus quelquefois par leurs espions du passage de grands convois venant du sud, se postaient dans les gorges, tuaient les muletiers et emmenaient chez eux bêtes et charge-
' (.'o hamcAii est situé sur la grand'route, qui va directement de Tuan-chiang  IlHiii-liHin^ et de là à la capitale. La douane, de même que toutes ceUea du dlMtrict d(; Hnin-liHin^, a été établie en 1870 par Ma Ju-hing pour faire face aux {\é\mm*H de sou exjwdition contre cett€ dernière ville.
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trente; Os trouvaient ensuite à placer le produit de leui-s Tapines sui* les marchés des emirons.
Les collines entre lesquelles nous chevauchons sont cou- vertes de jeunes sapins ; dans les has-fonds, les terrams sont iacnltes et la population des villages est clair-semée. La Wlle, comme toutes celles de la province, est bâtie à l'ex- frémité d'une petite plaine très productive; une rivière qui rfcseend des montagnes de l'ouest et qui confond, un peu plus bas, ses eaux avec une autre venant de Hsin-hsing, c^oiitînue sa course vers l'est et passe à Ciri-clnang-paï. Les remparts de la cité sont en terre et mal entretenus; à l'in- te^rîeur, les habitations sont en partie en ruhies. Quoiqu'elle n'a-ît pas été occupée par leç rebelles, elle a eu à lutter contre eux, et les musulmans n'ont jamais pu s'y établir. l-*si population, composée en grande partie d'I-jen, paraît très laborieuse et s'occupe activement, outre les travaux des eliaxiips, de l'industrie du fer; celle-ci est en grande réputation ^îiris la province pour les grosses pièces en fer forgé qu'elle travaille* ainsi que pour la quantité des forgerons qu'elle emploie.
Depuis le début d<*s hostilités, cette ville a toujours été gouvernée par un chef I-jcn appelé Li Taï (^ fjj ) et par son frère Li Chung (^ ^). Les rebelles, repoussés du cœur de la province, et les chefs ne voulant pas se créer de diffi- cultés avec les autorités provinciales, reconnurent ce mandarin jusque là resté passif, et peu à peu tous les intransigeants
' Ce que les Chinois appellent de grosses pièces sont simplement de grandes barres cylindriques de 5 à 8 centimètres de diamètre et d'environ 2 mètres de long, an bont desquelles sont soudées de grandes lames plates en forme de cou- teaux. Ces couteaux, dont le poids varie de 150 à 300 livres chinoises, sont employés {wr les mandarins de Tarmée. C'est en pratiquant l'exercice de ces espèces de hallebardes et celui de l'arc qu'ils obtiennent les grades militaires.
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rentrèrent dans le devoir. Cependant, bien que n'exerçant pln.^ la dictamre, Lî Taï n'en a pas moins conservé un^ notable influence snr la pi>pnlation et dans beaucoup cL* eîrconstances, le Chîh-Lsîen a recours à son intermédiaire.
Jyhi notre entrée en vflle, un milicieu. auquel nous demai" dons de nous indiquer la demeure du chef, s'ofl&re luî-mêna à mius conduire et à annoncer n4)tre arrivée. L'ex-dictatet de Hsi-O était en train de fumer de Topium; malgré rino| portunité de notre visite, fl tînt compte des recommanda tions de Wu kuan-shih, nous reçut avec aménité et vouIk: absolument nous garder à dîner: sur notre désir de reparti aussitôt que possible, il fit écrire une lettre qu'il nous remr pour le Kuan-sbih de Lao-lu-kuan. En prenant congé, i nous fit promettre de passer une journée chez lui à notr retour.
Nous sortons de la ville par la porte du sud pour aile traverser la rivière, un peu en amont, sur un pont de pierrt long d'environ une centaine de mètres. Nous quittons lî rive droite de la rivière pour sui^Te mi autre cours d'eau qui coule encaissé entre des montagnes, dont les flancs taillé à pie nous rappellent les gorges du Ssù-chuan. La physio nomie de ce site sévère ne manque pas d'une certaine gran deur. Après une quinzaine de lis de marche, les pente deviennent moins abruptes et le paysage s'égaie un peu; le hauteurs sont boisées et de temps à autre, dans les clairières nous trouvons des villages d'I-jên et des roues hydraulique qui mettent en mouvement des meules à décortiquer le riz des champs en culture, que nous avions perdus de vue depui Hsî-0, s'étendent de chaque côté du ruisseau; et dans le champs, hommes et femmes sont activement occupés à rei trer la récolte. Le cours d'eau que nous suivons est trt
tortueux, de sorte que, par moments, nous entendons le bour- donnement de voix humaines sans apercevoir personne. A la jonction de deux ruisseaux, nos guides ne savent quel chemin choisir. Sur l'indication d'une femme Lo-lo, nous loittons le torrent pour suivre le lit d'un ruisseau desséché.